Une récente publication dans Proceedings of the National Academy of Sciences sur des quasi-cristaux cache une histoire digne de Jules Verne : grâce aux informations livrées par un agent secret, l’un des pères de la théorie de l’inflation, Paul Steinhardt, est en effet parti au fin fond de l’Extrême-Orient russe pour retrouver l’origine d’une météorite contenant des quasi-cristaux naturels.

au sommaire


    L'échantillon de roche dans lequel les quasi-cristaux ont été trouvés. © Paul Steinhardt

    L'échantillon de roche dans lequel les quasi-cristaux ont été trouvés. © Paul Steinhardt

    Il y a encore 50 ans, si l'on avait interrogé des cristallographes sur l'existence de solides ayant un spectre de diffraction discret (discontinu), tous auraient affirmé que cette possibilité ne pouvait s'envisager qu'avec des cristaux. La périodicité rigoureuse des réseaux cristallins étant perçue comme une condition essentielle. Pourtant, on a fini par découvrir l'existence des quasi-cristaux, que l'on sait fabriquer en laboratoire sans avoir jamais connu, durant des décennies, d'exemple dans le monde naturel.

    Fasciné par ces quasi-cristaux, le physicienphysicien théoricien Paul Steinhardt a entrepris d'en trouver dans le monde minéralminéral. Steinhardt est un cosmologiste bien connu pour ses travaux sur l'inflation et comme l'un des pères de la cosmologie ekpyrotique.

    Steinhardt a logiquement commencé par compulser des banques de données concernant des figures de diffraction associées à des échantillons de roches... en vain. Toutefois, à l'automneautomne 2008, le minéralogiste Luca Bindi du muséum d'Histoire naturelle de Florence, a contacté le physicien pour lui faire part de sa découverte d'un quasi-cristal de 100 micromètresmicromètres, trouvé dans un fragment de roche acheté en 1990 à un collectionneur d'Amsterdam. Il s'en est suivi la publication dans Science d'un article annonçant qu'il existait bel et bien dans la nature des quasi-cristaux naturels.

    De gauche à droite : Luca Bindi, Valery Kryachko et Paul Steinhardt dans les montagnes Koryaks, à la recherche de quasi-cristaux naturels. © Paul Steinhardt
     
    De gauche à droite : Luca Bindi, Valery Kryachko et Paul Steinhardt dans les montagnes Koryaks, à la recherche de quasi-cristaux naturels. © Paul Steinhardt

    Mais Steinhardt pensait que la découverte était encore plus surprenante que beaucoup ne l'imaginaient. Pour lui, la roche, venue d'on ne sait où dans les montagnes Koryak en Russie, était probablement une météorite. Il s'est donc lancé dans deux aventures. Celle de prouver que les quasi-cristaux naturels trouvés étaient bel et bien d'origine extraterrestre et celle de déterminer exactement où la roche le contenant avait été récoltée.

    Une chondrite de 4,5 milliards d'années

    La veuve du collectionneur ayant fourni l'échantillon a autorisé les chercheurs à consulter les notes de son mari décédé. Notes qui les ont conduits à une transaction effectuée en Roumanie, pour remonter ensuite jusqu'à Valery Kryachko en passant par un ancien agent secret russe qui avait aidé au passage à l'Ouest de l'échantillon. Kryachko avait trouvé la roche en 1979 dans le district autonome de Tchoukotka, une région de l'Extrême-Orient russe.

    Luca Bindi et Paul Steinhardt sont dans les montagnes Koryaks en compagnie de Valery Kryachko. Si l'on ne sait pas encore ce qu'ils y ont découvert, une récente publication de Pnas fait cependant état des dernières analyses concernant l'échantillon contenant les quasi-cristaux déjà trouvés en 2008.

    Joignant leur force avec, en autres, l'expert en météorite Glenn MacPherson, les chercheurs pensent avoir montré que l'échantillon faisait effectivement partie d'une météorite vieille de 4,5 milliards d'années. Les isotopesisotopes d'oxygèneoxygène ont parlé dans le cadre des méthodes de la cosmochimie et ils indiquent que l'échantillon retrouvé devait faire partie d'une chondritechondrite aussi ancienne que le Système solaire.

    Le résultat est particulièrement étonnant car les conditions de l'obtention des quasi-cristaux en laboratoire sont délicates. Mais visiblement, et bien que les chercheurs ne comprennent pas comment, des processus astrophysiquesastrophysiques existent qui sont capables de les synthétiser.