Un groupe de chercheurs du célèbre Brookhaven National Laboratory vient de faire une percée en direction d’une future électronique supraconductrice. A l’aide de couches de matériaux fabriquées par épitaxie, ils ont produit un supraconducteur d’une épaisseur nanométrique.

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    La croissance de couches atomiques par jets moléculaires, c'est la technique de l'épitaxie. Crédit : phocea.CEA

    La croissance de couches atomiques par jets moléculaires, c'est la technique de l'épitaxie. Crédit : phocea.CEA

    Voilà longtemps que les possibilités d'une nouvelle technologie basée sur des supraconducteurs sont évoquées dans de nombreux article. Mais les concrétiser nécessite au préalable de comprendre exactement l'origine des supraconducteurs à hautes températures critiques que sont les cuprates. Il faudrait également augmenter encore la température à laquelle une phase supraconductrice apparaît, idéalement à température ambiante ou presque.

    Ces dernières années, l'essor des nanosciences vient encore d'élargir le spectre de ces possibilités. On pourrait ainsi imaginer une électronique et des transistors supraconducteurs nanométriques pour atteindre une puissance et une rapidité de calcul extraordinaires. On en est encore loin mais les travaux publiés dans Nature par Ivan Bozovic et ses collègues nous rapprochent un petit peu plus de cette révolution, si toutefois celle-ci est véritablement possible.

    En utilisant la technique des jets moléculaires, bien connue des physiciensphysiciens depuis des dizaines d'années car développée par J. R. Arthur et  Alfred Y. Cho des Bell Telephone Laboratories à la fin des années 1960, on peut faire croître, couche atomique après couche atomique, des matériaux possédant des propriétés données. On réalise ainsi un véritable sandwich composé d'atomes de différents éléments.

    Cette technique dite de l'épitaxie par jets moléculaire, ou MBE en anglais (Molecular Beam Epitaxy), a plus précisément été développée initialement pour la croissance cristallinecroissance cristalline des semi-conducteurs. 

    Cliquez pour agrandir. Ivan Bozovic dans son laboratoire. Crédit : <em>Brookhaven National Laboratory</em>

    Cliquez pour agrandir. Ivan Bozovic dans son laboratoire. Crédit : Brookhaven National Laboratory

    L'effet des couches

    Ivan Bozovic a alors tenté d'utiliser cette technique pour faire croître deux couches de matériaux qui, une fois assemblées, posséderaient à leur interface une région épaisse de un à deux nanomètresnanomètres et qui serait supraconductrice. On se rapprocherait alors d'une nouvelle électronique utilisant des composants supraconducteurs, plus rapides et moins gourmands en énergieénergie.

    Son attention et celle de ses collègues avaient été attirées sur cette possibilité en 2002, suite à l'observation étrange que la température critiquetempérature critique de deux couches de supraconducteurs différents, des cuprates, pouvait être augmentée de 25 %. A l'époque, les chercheurs ne comprenaient ni pourquoi ni où exactement ce phénomène se produisait. L'observation méritait donc d'être explorée plus en profondeur.

    Bozovic et son équipe ont donc patiemment réalisé par épitaxie plus de 200 systèmes avec une double couche, en explorant différentes combinaisons de matériaux conducteur, isolant et bien sûr supraconducteur. Un des obstacles à cette entreprise était de s'assurer que lors du contact de ces deux couches des modifications de structures et de compositions chimiques ne se produisaient pas. Les chercheurs ont pu contourner cette difficulté en observant des échantillons de ces doubles couches au microscope électroniquemicroscope électronique.

    Ils ont fini par découvrir une combinaison particulière dont les couches restaient bien distinctes chimiquement et qui exhibait une zone supraconductrice de 1 à 2 millimètres d'épaisseur à cheval sur les deux couches, à leur interface. Remarquablement, la phase supraconductrice se manifeste à une température de 50 K, ce qui est bien ce qu'on attend d'un matériaumatériau supraconducteur à haute température critique. Rappelons qu'au LHC, les aimants supraconducteurs doivent eux être refroidis à moins de 2 K.