La découverte d’un fossile d’une espèce proche des crocodiles, aujourd’hui disparue, modifie l'histoire connue de ce groupe. Capables de vivre en dehors de l’eau, et surtout de mâcher, des animaux devaient probablement occuper une niche écologique similaire à celle des mammifères actuels.

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    Pakasuchus kapilimai, en train de bondir pour attraper une proie. © Mark Witton / Université de Portsmouth

    Pakasuchus kapilimai, en train de bondir pour attraper une proie. © Mark Witton / Université de Portsmouth

    Les crocodiliens actuels (crocodiles, alligators...) ont des particularités communes : ils vivent principalement dans l'eau, capturent leurs proies par une attaque soudaine et les avalent en entier ou en quelques morceaux. Ces animaux ont-ils toujours ressemblé à ces monstres carnassiers ? Un article publié dans Nature révèle la découverte d'un fossile de la famille des crocodiles qui a beaucoup de choses surprenantes à nous apprendre.

    Mis au jour par une équipe de paléontologuespaléontologues menée par Patrick O'Connor de l'Université d’Ohio, en Tanzanie, au sud de l'ancien supercontinent GondwanaGondwana (avant la dérive des continents), le fossile appartient à un notosuchien, un groupe de crocodiliformes aujourd'hui disparu. Vivant il y a plus de cent millions d'années, au temps des dinosaures, ce cousin de nos crocodiles n'avait rien d'effrayant.

    En effet, comme l'indique son nom, Pakasuchus kapilimai (de paka, qui signifie chat en swahili, et du grec souchos, crocodile) n'était pas plus gros qu'un chat. A l'image des ancêtres des crocodiles, son corps d'une cinquantaine de centimètres de long et ses pattes fines faisaient de lui un animal agile, prêt à bondir pour capturer des insectesinsectes ou de petites proies.

    Une des particularités de cette espèceespèce est qu'elle possède les ouvertures nasales sur le devant du crânecrâne, contrairement aux crocodiliens modernes. Habituellement, les narinesnarines sont situées sur le dessus du crâne et permettent aux crocodiles actuels de rester cachés sous l'eau tout en continuant à respirer discrètement et à attendre sagement leur proie. Cette particularité anatomique fait de Pakasuchus un animal plutôt terrien qu'aquatique.


    Les dents de Pakasuchus kapilimai ressemblent beaucoup à celles des mammifères, et les distinguent des crocodiliens modernes. Les canines (rose) sont suivies des prémolaires (jaune) et des molaires (bleu) © Université Ohio / Nature

    Des molaires et une mâchoire mobile

    Une autre particularité a frappé les paléontologues : ce crocodile possède une dentition inattendue. Celle des crocodiles actuels forment une rangée interminable de dents coniques indifférenciées et acérées. A l'inverse, et de façon surprenante, Pakasuchus possède des dents qui ressemblent étrangement à celles des mammifèresmammifères : des sortes de canines à l'avant, suivies d'un genre de prémolaires et de molairesmolaires.

    Pakasuchus était donc capable de mâcher et de broyer sa nourriture avant de l'avaler, également grâce à sa capacité de faire bouger sa mâchoire dans toutes les directions, ce dont un crocodile moderne est incapable. Les paléontologues avouent que s'ils avaient simplement retrouvé ses dents, ils auraient certainement pensé être en présence d'un mammifère. Toutefois, le reste du fossile ne laisse pas la place au doute.

    En effet, malgré l'agilité dont cet animal devait faire preuve, il présentait une particularité des crocodiles : les ostéodermes, ces sortes d'écailles osseuses résistantes qui confèrent une sorte d'armure à l'animal. Pourtant, l'agile Pakasuchus n'était équipé de ces ostéodermes qu'au niveau de la queue. Une telle répartition n'a jamais encore été rencontrée et les scientifiques ne comprennent toujours pas l'avantage évolutif que pouvait conférer des ostéodermes ainsi installés.

    D'autres notosuchiens ont également été découverts ces dernières années en Afrique et en Amérique du Sud, mais aucun ne montre des ressemblances si frappantes avec les mammifères. L'ensemble des crocodiliformes devaient occuper des niches écologiques importantes et variées en Gondwana, à l'image des mammifères en Laurasie, l'autre supercontinent, mais beaucoup auraient disparu en même temps que les dinosauresdinosaures.