Des empreintes d'éléphants, vieilles de 7 millions d’années, révèlent la vie sociale des pachydermes de l’époque. Les troupeaux étaient menés par des femelles dominantes tandis que les mâles erraient en solitaire. Le matriarcat était donc déjà en place et sa persistance à l’heure actuelle prouve son efficacité.

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    Il existe actuellement trois espèces d'éléphant. Deux d'entre elles s'observent en Afrique (l'éléphant de savane, Loxodonta africana, et l'éléphant de forêt, Loxodonta cyclotis) tandis que la troisième vit en Asie (Elephas maximus). Si elles peuvent différer sur bien des critères morphologiques ou génétiquesgénétiques, elles partagent néanmoins un point commun : leurs sociétés sont basées sur le matriarcat. Ce caractère pourrait donc être observé chez un ancêtre commun.

    Une découverte récente vient étayer cette hypothèse. Bien que connu depuis longtemps par des bédouins, un site exceptionnel situé en plein désert d'Abu Dhabi a attiré la curiosité des scientifiques à partir de 2001. Il abrite des empreintes fossiles d'éléphants vieilles de 7 millions d'années. En laissant leurs traces dans la boue, les pachydermes préhistoriques fournissent de précieuses informations sur leur vie sociale de l'époque. Ils vivaient déjà en troupeaux, dirigés par une femelle dominante. Les mâles menaient une vie solitaire.

    Ces résultats ont été publiés par Faysal Bibi dans la revue Biology Letters. Un institut français de l'université de Poitier, l'IPHEP, est impliqué dans les recherches.

     Photographie aérienne du site de Mleisa 1 réalisée à partir d'un cerf-volant. Les empreintes d'éléphant vieilles de 7 millions d'années ont été colorées en bleu et en vert (la barre d'échelle en bas à droite représente 5 m). Les trajectoires parallèles ont été laissées par la horde. Treize d'entre elles ne se croisent jamais, laissant croire qu'au moins treize pachydermes marchaient ensemble. Le tracé du mâle solitaire traverse l'image en diagonale. © Bibi <em>et al.</em> 2012

    Photographie aérienne du site de Mleisa 1 réalisée à partir d'un cerf-volant. Les empreintes d'éléphant vieilles de 7 millions d'années ont été colorées en bleu et en vert (la barre d'échelle en bas à droite représente 5 m). Les trajectoires parallèles ont été laissées par la horde. Treize d'entre elles ne se croisent jamais, laissant croire qu'au moins treize pachydermes marchaient ensemble. Le tracé du mâle solitaire traverse l'image en diagonale. © Bibi et al. 2012

    Une harde d'éléphants de 13 jeunes et femelles, 1 mâle solitaire

    Le site de la découverte, Mleisa 1, est exceptionnel à plus d'un titre. Il abrite des empreintes de pachydermes sur une surface de 5 hectares. Des photographiesphotographies aériennes ont été réalisées à partir d'un cerf-volant, révélant des trajectoires parallèles de plus de 190 mètres de long, espacées sur une largeur d'environ 30 mètres. Les pistes fossiles dépassent rarement quelques dizaines de mètres.

    La profondeur des empreintes et la distance séparant chaque pas ont été mesurées. Les traces auraient été laissées par une harde d'au moins 13 éléphants de tailles et de poids divers. Par comparaison avec les pachydermes actuels, ce groupe devait se composer de femelles et de jeunes. Ces mammifèresmammifères avaient donc déjà à l'époque un comportement grégairegrégaire.

    Une quatorzième piste intercepte les autres avec un angle d'environ 45 degrés. Elle mesure plus de 260 mètres de long, il s'agit d'un record mondial pour ce type de découverte. La profondeur des empreintes et la longueur des pas (plus de 3 mètres) sont plus importantes. Des pas qui appartiendraient à un individu de grande taille pesant 5 à 6 tonnes, probablement un mâle. Les spécimens masculins sexuellement matures vivaient certainement en solitaire.


    Piste composée des empreintes d'un éléphant préhistorique. Il y a 7 millions d'années, ces traces ont été laissées dans de la boue. Enfouies sous terre, elles sont réapparues à la surface suite à l'érosion du sol. © Faysal Bibi

    Tout indique donc que les éléphants actuels présentent les mêmes comportements sociaux que leurs ancêtres d'il y a 7 millions d'années. Les auteurs précisent tout de même ne pas pouvoir être certains que toutes les traces aient été laissées par des individus de la même espèce.

    Une telle découverte permet d'obtenir des résultats impossibles à révéler par l'analyse des os ou des dents fossilisées également trouvés dans la région. Rappelons qu'à l'époque, la péninsulepéninsule arabique était accolée à l'Afrique et que l'Homme commençait à effectuer ses premiers pas.