Les membres de l’expédition 7e continent embarqueront sur le voilier Swan 47 en mai 2013. Ils partiront un mois en mer pour étudier une zone d’accumulation de déchets dans le gyre nord-pacifique. L’objectif de la mission est de quantifier et de référencer l’état de pollution au plastique de cette région marine. L’explorateur Patrick Deixonne, initiateur du projet, répond à Futura-Sciences sur le plan d’action de cette expédition.

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    Les océans sont la poubelle de notre civilisation. Ainsi s'exprime Charles Moore, fondateur de l'Algalita Marine Research Institute, pour illustrer la véritable soupe de plastiqueplastique qui a envahi nos océans. En effet, sur les 260 millions de tonnes de plastique produites par an, 10 % finissent en mer. Or, les courants emportent les débris loin des côtes et dégradent les gros morceaux. Ainsi, la pollution marine au plastique est souvent méconnue du grand public. Elle menace pourtant 250 espèces marines, et modifie l'écosystème dans son ensemble.

    L'explorateur Patrick Deixonne, membre de la Société des explorateurs français, a été à plusieurs reprises témoin de l'ampleur de la pollution plastique des océans. C'est dans ce contexte qu'est née la mission d'exploration 7e continent. Avec cinq autres personnes à bord du voilier Swan 47, Patrick Deixonne se rendra au mois de mai dans le plus grand et le plus pollué des gyres : le gyre nord-pacifique. Il s'agit là de la première mission d'exploration française dans ce tourbillon marin. L'explorateur a répondu aux questions de Futura-Sciences, à propos du déroulement de l'aventure 7e continent.

    Une partie de l'équipe embarquée à bord du <em>Swan 47</em>. De gauche à droite, Claire Pusineri (responsable scientifique), Patrick Deixonne (chef de mission) et Soizic Lardeux (responsable images). © Expédition 7<sup>e</sup> continent

    Une partie de l'équipe embarquée à bord du Swan 47. De gauche à droite, Claire Pusineri (responsable scientifique), Patrick Deixonne (chef de mission) et Soizic Lardeux (responsable images). © Expédition 7e continent

    Futura-Sciences : Comment est né le projet de l’expédition 7e continent ?

    Patrick Deixonne : J'ai traversé à deux reprises l'Atlantique à la rame. Durant ces périples, j'ai croisé quantité de plastiques en plein milieu de l'océan. J'ai même trouvé un parechoc de voiturevoiture à des milliers de kilomètres des côtes. En tant qu'explorateur, il fallait donc que j'aille voir s'il en était de même pour les autres océans. Ma motivation première est de rapporter au grand public des preuves de la pollution plastique que connaissent les océans.

    Justement, quels sont les objectifs de la mission à bord ?

    Patrick Deixonne : C'est avant tout une mission de sensibilisation. J'ai été profondément choqué quand j'ai traversé l'Atlantique. Quand je suis rentré, j'ai voulu montrer à mon entourage ce que j'avais vu, j'ai cherché des photos, mais on ne trouve rien. Ou du moins, les photos disponibles ne sont pas géolocalisées, il n'y a pas la position GPS.

    J'embarque donc avec l'équipe pour prendre des photos et localiser ces zones polluées. Grâce à ces clichés, nous serons en mesure de compter et décrire les déchets flottants. À l'origine, l'expédition n'était pas destinée à être une mission scientifique. Mais puisque peu de bateaux français se rendent dans les gyres en se focalisant sur les déchets plastiques, des laboratoires scientifiques se sont intéressés à nous. Résidant en Guyane, je mets sur pied régulièrement de petits programmes avec le centre spatial. En parlant de mon projet, le Cnes s'est alors intéressé à ce que je faisais. Petit à petit, un projet scientifique s'est développé autour de l'expédition.

    Concrètement, en quoi consiste le projet scientifique ?

    Patrick Deixonne : Nous serons trois à bord. Soizic Lardeux sera chargée de la prise d'images (photos et vidéos). Le programme scientifique sera coordonné à bord par la biologiste Claire Pusineri. Durant l'expédition, nous larguerons cinq bouées dérivantes. Elles appartiennent au programme Oceansites, et livreront en continu des informations sur les courants de surface de la zone. Nous collecterons des microdéchets et du planctonplancton avec un filet Manta, dont la maille est de 300 µm. Les échantillons seront étiquetés et stockés à bord, mais seront analysés par le Legos à Toulouse.

    Nous remorquerons aussi la bouée Gyroplastique, mise au point par les élèves de l'école d'ingénieur Icam. Cette bouée, équipée d'une longue traîne de 30 mètres, dispose de capteurscapteurs qui peuvent mesurer la salinitésalinité, la fluorométrie et la densité de l'eau. Les étudiants ont aussi élaboré un capteur capable de distinguer le plancton du plastique. Nous la mettrons à l'eau deux fois par jour, et elle pourra mesurer tous ces paramètres à différentes profondeurs. Enfin, nous serons équipés d'une balise ArgosArgos qui permettra au Cnes et au grand public de nous suivre en temps réel.

    Le gyre nord-pacifique est immense, avez-vous défini une zone d’étude ?

    Patrick Deixonne : Oui, une zone a été choisie par les scientifiques. Il y a une circulation principale dans le gyre, mais en observant la trajectoire des bouées dérivantes, on s'aperçoit qu'il y a des circulations secondaires. En particulier à l'est du bassin, au large de San Diego, nombre de bouées semblent converger et tourner en rond. Nous en avons conclu que l'un des gyres secondaires se trouvait ici. Si les balises convergent dans cette zone, il est probable que le plastique s'y accumule aussi. C'est là que nous concentrerons notre attention.

    Durant l'expédition 7<sup>e</sup> continent, le voilier se rendra dans la zone d'accumulation est du gyre nord-pacifique. Il se peut que le bateau rencontre sur sa route des macrodéchets issus du tsunami de Tohoku. © Robin des bois, www.robindesbois.org

    Durant l'expédition 7e continent, le voilier se rendra dans la zone d'accumulation est du gyre nord-pacifique. Il se peut que le bateau rencontre sur sa route des macrodéchets issus du tsunami de Tohoku. © Robin des bois, www.robindesbois.org

    Notre mission durera un mois, et nous resterons deux à trois semaines en mer. Nous prendrons des mesures tout le long du trajet, et nous verrons si la concentration de plastique augmente à l'approche de la zone de convergencezone de convergence.

    Qu’attendez-vous de l’expédition 7e continent ?

    Patrick Deixonne : Vous savez, on parle de la fontefonte des pôles, du changement climatique, mais la pollution plastique, c'est pire que tout. Aujourd'hui, on compte 5 kgkg de plastique pour 1 kg de plancton ! Nous avons réussi à greffer des projets scientifiques très intéressants sur la mission, donc l'exploration ne peut qu'améliorer les connaissances. L'objectif principal est de sensibiliser le grand public à la problématique du plastique dans les océans. Des laboratoires de recherche de référence comme le Cnes, le Mercator ou le Legos se sont joints à nous, et cela vient renforcer l'importance de notre mission. Il ne reste donc plus qu'à espérer que les conditions météométéo soient favorables et que l'on ne rencontre pas de gros débris issus du tsunami du Japon