Les bactéries SAR11 dominent les océans depuis plusieurs millions d’années… malgré le rude combat qui les oppose aux virus pélagiphages. Cette invisible bataille titanesque, jusque-là inconnue, revêt une énorme importance car ces modestes unicellulaires jouent un rôle prépondérant dans le cycle biogéochimique du carbone, donc éventuellement sur le climat.

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    Un colorant marquant l'ADN (du SYBR vert) a été ajouté à un échantillon d'eau de mer prélevé en Californie. Les grosses taches vertes correspondent à des bactéries (diamètre d'environ 0,5 µm). Les petites taches sont des virus. © Kirchman, 2013, Nature

    Un colorant marquant l'ADN (du SYBR vert) a été ajouté à un échantillon d'eau de mer prélevé en Californie. Les grosses taches vertes correspondent à des bactéries (diamètre d'environ 0,5 µm). Les petites taches sont des virus. © Kirchman, 2013, Nature

    Les bactéries tiennent un rôle primordial au sein des océans où elles sont présentes en quantité, certaines études estimant en effet leur densité à environ un milliard d'individus par litre d'eau. Elles participent activement au fonctionnement des cycles biogéochimiques, comme celui du carbonecarbone, et peuvent donc avoir un impact sur notre climat, mais aussi sur le fonctionnement de nombreux écosystèmes tant marins que terrestres. 

    Les bactériesbactéries du cladeclade SAR11 ont été découvertes en 1990 par Stephen Giovannoni de l'université d'État de l'Oregon (États-Unis). On se rendit alors compte que ces organismes représentent en nombre d'organismes 25 à 50 % des unicellulaires vivant dans les eaux salées du globe. Ils se nourrissent de matièresmatières organiques en suspension et, en retour, libèrent du dioxyde de carbone (CO2), de l'eau et des nutrimentsnutriments, lesquels permettent aux algues photosynthétiques de produire, estime-t-on, la moitié de l'oxygène libéré dans l'atmosphère quotidiennement par les océans.

    Une autre découverte océanographique majeure fut faite un an plus tôt, en 1989 : les océans de la planète renferment d'importantes quantités de virus. Quatre d'entre eux viennent dernièrement d'être identifiés par plusieurs collaborateurs de Stephen Giovannoni dont fait partie Yanlin Zhao, l'auteur principal de l'article paru dans la revue Nature. Ainsi, une véritable bataille sous-marine impliquant les SAR11 serait en cours depuis des millions d'années sans que nous le sachions !

    Cette bactérie océanique SAR11 a été infectée par des virus pélagiphages (ils correspondent aux boules situées à l'intérieur du micro-organisme). © <em>Oregon State University</em>

    Cette bactérie océanique SAR11 a été infectée par des virus pélagiphages (ils correspondent aux boules situées à l'intérieur du micro-organisme). © Oregon State University

    Des bactéries qui survivent grâce à leur compétitivité

    Contrairement à ce qui a souvent été avancé, les SAR11 ne sont pas invulnérables, même si elles sont particulièrement abondantes et répandues. Leurs redoutables ennemis ont été baptisés pélagiphages, qui exterminent des millions de bactéries à chaque seconde,. Ce terme cache en réalité deux familles de virus : les podoviridés auxquels appartiennent HTVC011P, HTVC019P et HTVC010P, et les myoviridés qui incluent HTVC008M et sa structure caudale contractile. 

    Des séquençages ADN pratiqués sur organismes et virus prélevés aux Bermudes et le long des côtes de l'Oregon ont été requis pour identifier les belligérants. L'un des virus serait tellement unique qu'un ordinateurordinateur n'a pas réussi, selon Stephen Giovannoni, à interpréter son patrimoine génétiquegénétique. Une nouvelle sous-famille a donc été créée pour accueillir HTVC010P. Autre résultat important, les péliphages seraient eux aussi très abondants. Les SAR11 devraient donc leur survie à trois facteurs : ils sont compétiteurs, ils capturent le carbone organique avec efficacité et ils mutent en permanence, ce qui réduit les risques d'infection. 

    Leur dynamique de population devrait à l'avenir faire l'objet de plus d'attention étant donné le rôle joué par ces organismes dans la capture, le stockage et la libération dans l’atmosphère du CO2. Cette étude unit en tout cas les deux découvertes majeures faites voici un peu plus de 20 ans.