Grâce au projet Census of Marine Life, qui rassemble des études sur les grandes profondeurs, nous aurons bientôt une vision bien plus réaliste du monde marin. Cependant, les données déjà disponibles indiquent que le monde du silence est loin d'avoir révélé tous ses secrets...

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    Les crustacés, à l'image du krill Euphausia superba, représentent un cinquième des espèces recensées dans les fonds marins. © British Antarctic Survey

    Les crustacés, à l'image du krill Euphausia superba, représentent un cinquième des espèces recensées dans les fonds marins. © British Antarctic Survey

    Qui vit dans la mer ? La question est simple mais la réponse bien difficile à donner. Après un siècle et demi d'océanographie, elle reste toujours incomplète. C'est pour avancer dans la connaissance de la biodiversité des fonds marins que le projet Census of Marine Life est né, réunissant 360 scientifiques du monde entier, répartis en 13 comités.

    Démarré en 2000, le projet Census of Marine Life avait pour but, sur une duréedurée de 10 ans, de recenser les espèces vivant dans les profondeurs peu connues des océans, au-delà de deux cents mètres et jusqu'aux plaines abyssales. En octobre 2010, cette belle aventure prendra fin et offrira ses découvertes. Quelques mois avant son achèvement, les scientifiques peuvent déjà affirmer que leur objectif initial n'est pas atteint : selon eux, entre 60 et 80% des espèces ne sont toujours pas connues. Ils ont toutefois amené leur pierre au gigantesque édifice.

    Les chercheurs ont montré que la biodiversité varie au sein des 25 régions étudiées. Dans les mers japonaises et australiennes, 33.000 espèces ont été recensées alors que dans les profondeurs à l'ouest du Canada seules 2.600 espèces ont été rencontrées, la moyenne atteignant environ 10.650 espèces par région océanique étudiée. Les autres régions du haut du tableau sont la Chine, la Méditerranée et le golfe du Mexique, où sévit actuellement la marée noire due au naufrage de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon.

    Plus de 230.000 espèces ont ainsi été cataloguées mais il est clair qu'au moins autant restent à découvrir : alors qu'en Antarctique entre 39 et 58% des espèces seraient inconnues, en Australie il s'agirait de près de 80%.

    Les 25 régions du monde explorées au cours des dix dernières années par les scientifiques du projet <em>Census of Marine Life</em>. © <em>Plos One</em>

    Les 25 régions du monde explorées au cours des dix dernières années par les scientifiques du projet Census of Marine Life. © Plos One

    Coquillages et crustacés

    En ce qui concerne les classes d'organismes rencontrées, les crustacéscrustacés sont sans conteste les plus abondants et constituent près d'un cinquième de la totalité des espèces qui hantent les fonds marins : les crabes, les crevettes et surtout le krill, cette petite crevette qui constitue la base de la nourriture pour beaucoup d'espèces marines. Les mollusquesmollusques sont aussi très variés, de même que les poissonspoissons. En revanche, les plus grosses espèces animales comme les baleines ou les tortuestortues ne représentent qu'une faible part de cette biodiversité. Les scientifiques tiennent à rappeler que ces chiffres représentent la variété des espèces et non pas la biomassebiomasse.

    L'étendue des territoires colonisés par une même espèce a aussi été étudiée. Les plus cosmopolites sont des organismes très différents : d'une part les microorganismesmicroorganismes animaux et végétaux (plancton) qui ont su s'adapter à divers environnements, et d'autre part les oiseaux et les mammifèresmammifères marins qui traversent les océans au cours de leur vie.

    Les scientifiques ont également dressé la triste liste des menaces pour la vie marine. La destruction des habitats, la non-protection des zones côtières, la pollution, les espèces invasivesespèces invasives... Le réchauffement climatique est aussi un vaste problème puisqu'il entraîne l'acidification de l'eau dont la concentration en oxygène diminue et élève la température des eaux de surface, une menace pour les espèces sensibles. La surpêche entraîne la disparition des espèces d'intérêt commercial mais pas seulement : les tortues, les dauphins ou les albatros capturés involontairement par les filets des pêcheurs sont aussi menacés.

    Dix années de travail et 650 millions de dollars n'auront donc pas suffi à recenser toutes les espèces marines existantes. L'exploration doit continuer pour montrer aux hommes la beauté des abysses et leur donner l'envie de la sauvegarder.