Une équipe franco-suisse pense tenir une clé pour prédire des vagues de grandes chaleurs de l’été : il faut s’intéresser à la pluviosité en hiver et au printemps dans le sud de l’Europe. Quand elle est forte, la canicule est peu probable. La conclusion résulte de 60 ans d'observations et les météorologistes tiennent l'explication.

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    La clé de la prédiction du temps du prochain été. Si l'hiver et le printemps ont été humides dans le sud de l'Europe, alors le risque de canicule est faible. Si au contraire, les régions du sud ont connu un hiver et un printemps secs, la circulation atmosphérique est déterminante : anticyclonique, elle conduira à une vague de chaleur ; dépressionnaire, elle se conclura par un été sans canicule. Les dictons des scientifiques sont moins péremptoires que ceux du savoir populaire... © Benjamin Quesada

    La clé de la prédiction du temps du prochain été. Si l'hiver et le printemps ont été humides dans le sud de l'Europe, alors le risque de canicule est faible. Si au contraire, les régions du sud ont connu un hiver et un printemps secs, la circulation atmosphérique est déterminante : anticyclonique, elle conduira à une vague de chaleur ; dépressionnaire, elle se conclura par un été sans canicule. Les dictons des scientifiques sont moins péremptoires que ceux du savoir populaire... © Benjamin Quesada

    Durant la dernière décennie, l'Europe a été marquée par une série de vagues de chaleurchaleur estivales exceptionnelles, telles que les épisodes de canicule de 2003 en Europe et de 2010 en Russie. Lourds de conséquences pour nos sociétés, ces étés très chauds préfigurent probablement le climat estival à venir, sous l'effet du changement climatiquechangement climatique. Mais la capacité à prévoir ces événements demeure actuellement très faible. Une étude, effectuée par des chercheurs du LSCE (CNRS/CEA/UVSQ) et de l'École polytechnique fédérale de Zürich (ETH Zürich), avec la société Aria Technologies, montre pour la première fois dans quelle mesure les précipitations durant le printemps et l'hiver permettraient de prévoir la fréquence de jours très chauds durant l'été suivant, et les raisons physiquesphysiques qui sont à l'origine d'une telle prévisibilité. Ces résultats viennent d'être publiés en ligne par la revue Nature Climate Change.

    Grâce à l'analyse de plus de 60 ans de données de précipitations et de températures provenant de plus de 200 stations météorologiques réparties sur l'Europe, les chercheurs ont d'abord confirmé, à l'échelle de l'Europe entière, plusieurs informations concernant des régions sud-est de l'Europe : un hiver et un printemps pluvieux inhibent l'apparition de fortes chaleurs estivales, alors qu'une sécheresse ou des pluies limitées, mais restant dans la norme, favorisent leur apparition.

    Une image prise par le satellite Landsat le 29 juillet 2010, quand de gigantesques feux de forêts sévissaient en Russie. On distingue bien les fronts des incendies et les nuages de fumée, qui s'étendent dans une région urbanisée du nord de l'Oural. © Landsat/Scanex RDC

    Une image prise par le satellite Landsat le 29 juillet 2010, quand de gigantesques feux de forêts sévissaient en Russie. On distingue bien les fronts des incendies et les nuages de fumée, qui s'étendent dans une région urbanisée du nord de l'Oural. © Landsat/Scanex RDC

    Après les pluies, la chaleur en excédent absorbée dans l'évaporation

    Ce sont exclusivement les précipitations localisées dans le sud de l'Europe qui permettent la prévision de températures élevées sur la plus grande partie de l'Europe (ouest et centre). Les chercheurs ont également montré que la prévisibilité des fortes chaleurs dépend de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique (cyclonique et anticyclonique). En effet, associée à des conditions anticycloniques et après un épisode important de sécheresse, l'énergieénergie solaire est restituée par la surface terrestre sous forme de chaleur sensible, amplifiant ainsi la sécheresse.

    En revanche, après un ou plusieurs mois pluvieux, une part importante de cette énergie est utilisée pour l'évaporation de l'humidité des sols et la transpirationtranspiration des plantes, ce qui limite fortement l'augmentation des températures. Même après un printemps très sec, de fortes précipitations en début d'été peuvent, comme cela fut probablement le cas en juin 2011, rapidement empêcher l'apparition de températures élevées et donc d'épisodes de chaleurs intenses. Les fortes chaleurs se développent donc très rarement après des mois pluvieux, de janvier à mai, sur le sud de l'Europe. En revanche, un hiver et un printemps secs ne permettent pas de prévoir si l'été suivant sera ou non marqué par de fortes chaleurs.

    Les chercheurs ont aussi analysé la capacité de 14 modèles globaux de simulation du climat, utilisés pour les projections climatiques futures en Europe, à représenter les relations entre les précipitations printanières et les températures d'été. La plupart de ces modèles montrent effectivement l'existence de telles relations, mais de façon atténuée : les températures d'été sont moins corrélées avec les précipitations des mois précédents que dans les observations. Les modèles qui simulent le mieux cette corrélation sont ceux qui prévoient des tendances plus marquées que les autres modèles pour l'évolution climatique : des hivers et printemps plus secs sur les régions méditerranéennes et des étés plus chauds sur l'Europe.