Un traitement unique pourrait soigner plusieurs formes de démence, selon certains scientifiques. Il fonctionne pour le moment chez des souris atteintes d’une maladie à prions (équivalent de la vache folle ou de la maladie de Creutzfeldt-Jakob), dont la mort neuronale a été comprise. Les chercheurs espèrent que ce processus est le même pour la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson. La communauté scientifique ne cache pas son optimisme.

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    De nombreuses démences se caractérisent par une accumulation de protéines qui adoptent une mauvaise conformation spatiale et perdent ainsi leur activité. S'ensuivent alors la mort des neurones et la baisse des capacités intellectuelles ou motrices. C'est le cas typique des maladies à prions (comme la vache follevache folle chez les bovins, Creutzfeldt-JakobCreutzfeldt-Jakob chez l'Homme), mais aussi des neurodégénérescences célèbres comme la maladie d’Alzheimer avec la formation de plaques séniles ou la maladie de Parkinson avec les corps de Lewy.

    À l'heure actuelle, toutes ces pathologiespathologies restent incurables, les traitements ne permettent que de ralentir la progression. Chacune d'elles bénéficie de thérapiesthérapies assez spécifiques. Mais des chercheurs de l'université de Leicester (Royaume-Uni) ont abordé la question autrement : quelle est la cause précise de la mort neuronale ? En répondant à cette question, ils ont pu augmenter l'espérance de vieespérance de vie de souris avec une maladie à prionsprions en mettant au point un médicament capable de retarder la disparition des cellules du cerveaucerveau. L'expérience est décrite dans la revue Nature.

    Les maladies à prions inhibent la synthèse des protéines

    Lorsqu'une cellule est infectée par un virusvirus, un mécanisme de défense la pousse à arrêter temporairement la production de protéines, de manière à éviter la propagation des particules virales. C'est ce même processus qui se met en place au fur et à mesure que les protéines mal conformées s'accumulent. Mais cette fois, les mécanismes de production de peptidespeptides se bloquent durablement et les moléculesmolécules indispensables à la survie de la cellule ne sont plus synthétisées : le neurone finit par mourir.

    Les neurones agressés par des protéines anormales meurent parce qu'ils ne synthétisent plus les constituants nécessaires à leur survie. Cela conduit à la démence et, au final, au décès du patient. © Benedict Campbell, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les neurones agressés par des protéines anormales meurent parce qu'ils ne synthétisent plus les constituants nécessaires à leur survie. Cela conduit à la démence et, au final, au décès du patient. © Benedict Campbell, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Cette mort des neurones est due à l'activité d'une protéine nommée elF2alpha-P. Elle inhibe la synthèse de nouvelles protéines dès qu'elle est équipée d'un groupement phosphate. C'est à ce niveau que les chercheurs ont agi. En injectant un vecteur viral, les neurones de souris ont produit une molécule appelée GADD34 qui va cliver la région active de elF2alpha-P et permettre aux cellules de poursuivre leur synthèse protéique.

    Les souris ainsi traitées ont vécu en moyenne 90 jours, contre 83 pour les rongeursrongeurs malades qui n'avaient reçu aucun médicament. Une analyse postmortem a montré que les synapsessynapses (les connexions entre les neurones) étaient toujours présentes chez les animaux soignés, contrairement aux autres, et les taux de protéines dans les neurones étaient normaux, à l'exception des prions qui avaient poursuivi leur accumulation.

    Un traitement universel contre les démences ?

    Cette étude ne s'est focalisée que sur les prions, mais de nombreux chercheurs pensent que ce processus global est aussi impliqué dans les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Par exemple, pour cette première, il a déjà été constaté que les taux d'elF2alpha-P augmentaient chez les patients. Grâce à cette étude qui s'intéresse plus aux aspects généraux qu'aux caractéristiques spécifiques des maladies, l'idée est de mettre au point un seul traitement contre les démences.

    Cette nouvelle a été globalement très bien accueillie par la communauté scientifique. Cependant, ce travail n'en est encore qu'à un stade très précoce, il faut donc tempérer son optimisme. Deux défis se posent maintenant aux chercheurs : s'assurer que les mêmes processus sont impliqués dans les autres neurodégénérescences et trouver un médicament capable de restaurer la production de protéines normales.