Traitement efficace contre le paludisme, l’artémisinine, une molécule – difficilement – extraite d'une plante coûte cher à synthétiser. Des chimistes allemands changent la donne en proposant une méthode pour en produire en plus grande quantité et à moindre coût. De quoi baisser les prix des médicaments antipaludéens et de les rendre accessibles à un plus grand nombre de malades.

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    Plus de 200 millions de personnes sont affectées dans le monde par le paludisme, maladie parfois mortelle véhiculée par un petit ver parasite, le Plasmodium que l'on aperçoit en bleu dans des globules rouges humains. Les thérapies à base d'artémisinine se révèlent assez efficaces mais sont encore trop onéreuses pour bon nombre de malades. © TimVickers, Wikipédia, DP

    Plus de 200 millions de personnes sont affectées dans le monde par le paludisme, maladie parfois mortelle véhiculée par un petit ver parasite, le Plasmodium que l'on aperçoit en bleu dans des globules rouges humains. Les thérapies à base d'artémisinine se révèlent assez efficaces mais sont encore trop onéreuses pour bon nombre de malades. © TimVickers, Wikipédia, DP

    Le paludisme a encore tué 655.000 personnes en 2010. Certes, c'est 26 % de moins qu'en 2000, mais en deçà des objectifs prévus par l'OMS qui espérait une réduction de moitié du nombre de victimes

    Ce taux de survie s'explique en grande partie par l'utilisation de traitements plus efficaces pour contrer les effets du Plasmodium (le protozoaire à l'origine de la maladie), à base d'une moléculemolécule, l'artémisinine.

    Depuis 2001, l'OMS a recommandé l'utilisation de thérapies à base de cette artémisinine combinée à un autre principe actifprincipe actif, car ces traitements surclassent en efficacité les médications précédentes. 

    Extraite d'une plante chinoise nommée armoisearmoise annuelleannuelle (Artemisia annua), cette artémisinine ne se retrouve dans le végétal qu'à de faibles concentrations. De plus, sa synthèse artificielle repose sur des techniques coûteuses, si bien qu'elle n'est pas produite à hautes doses.

    Par ses difficultés de production, les coûts des médicaments s'avèrent trop élevés pour une bonne partie de la population affectée par la malariamalaria. Rappelons que le parasiteparasite sévit principalement en Afrique subsaharienne et dans le sud de l'Asie, dans des pays aux faibles moyens financiers.

    Lumière, oxygène : les ingrédients manquants

    Des chimistes de l'institut Max Planck et de l'Université libre de Berlin viennent de refaire renaître l'espoir de produire cette artémisinine à moindre coût en découvrant une nouvelle façon plus efficace de synthétiser le principe actif. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Angewandte Chemie.

    Lors de l'extraction d'1 kgkg d'artémisinine, on récupère en parallèle 10 kg d'une molécule voisine, appelée acideacide artémisinique, dont on se débarrassait parce que sa conversion en artémisinine n'était pas rentable. Les chercheurs allemands ont essayé d'empêcher ce gaspillage et d'utiliser cet acide végétal pour trouver une nouvelle voie, moins coûteuse, pour synthétiser le principe actif.

    On peut voir ici le schéma simplifié de la synthèse d'artémisinine à partir de l'acide dihydroartémisinique. Les principales différences entre ces deux molécules apparaissent au niveau du nombre d'atomes d'oxygène, qui viennent former des cycles supplémentaires. © Seeberger et Lévesque, <em>Angewandte Chemie</em>

    On peut voir ici le schéma simplifié de la synthèse d'artémisinine à partir de l'acide dihydroartémisinique. Les principales différences entre ces deux molécules apparaissent au niveau du nombre d'atomes d'oxygène, qui viennent former des cycles supplémentaires. © Seeberger et Lévesque, Angewandte Chemie

    L’artémisinine obtenue en moins de 5 minutes 

    La réaction de transformation de l'acide artéminisique en artémisinine implique la mise en place d'un pont (une liaison covalenteliaison covalente) entre deux atomesatomes d'oxygène sur l'un des trois cycles que comprend la molécule, car c'est ce groupement dit endoperoxide qui confère au produit végétal son pouvoir actif.

    Dans un premier temps, l'acide artéminisique est réduit en acide dihydroartémisinique. Ce produit de la réaction est placé dans un tube fin en présence d'oxygène, le tout entouré d'un flux continu de rayons lumineux. On laisse mijoter 4 minutes 30 et on obtient de l'artémisinine à un rendement de 40 %.

    Des traitements moins onéreux contre le paludisme

    En une journée, les chercheurs peuvent produire jusqu'à 800 g, mais espèrent améliorer les procédés pour passer à 2 kg quotidiens dans trois mois. Autre point sombre en passe d'être résolu : le prix du réactifréactif. Il avoisine actuellement les 60.000 $ (46.000 €), mais un nouveau composé identique pourrait être vendu prochainement 5 à 6 fois moins cher.

    Cette découverte abaisserait probablement les coûts de production, ce qui se répercuterait sur le prix de vente des thérapies antipaludéennes, contribuant à sauver davantage de vies humaines. Cependant, un problème capital n'est pas encore réglé. Il faut laisser 14 mois à la plante avant d'en extraire les molécules d'intérêt. De ce fait, les prix sont très changeants, ce qui a conduit de nombreux agriculteurs à se détourner de cette culture. Et sans producteur primaireproducteur primaire, tous les progrès accomplis deviennent compromis.