Injecter le vaccin de la tuberculose directement dans le sang plutôt qu’en intradermique permet non seulement de prévenir la maladie, mais empêche aussi la bactérie de pénétrer dans l’organisme. Une avancée considérable quand on sait qu’un tiers de la population mondiale, même vaccinée, est infecté par la bactérie sous forme latente.


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    Et s'il suffisait de changer le mode d'administration d'un vaccin pour doper son efficacité ? C'est la conclusion d'une équipe de chercheurs de l'université de Pittsburgh qui se sont intéressés au cas du BCG (Bacille de Calmette et GuérinBacille de Calmette et Guérin). Mis au point dans les années 1920, ce vaccin contre la tuberculose est relativement efficace contre les formes graves de la maladie, notamment chez les jeunes enfants, mais il n'empêche pas l'infection par le bacille. Administré en sous-cutanésous-cutané, le vaccin contient une souche vivante atténuée de la bactérie Mycobacterium tuberculosisMycobacterium tuberculosis, ce qui entraîne la fabrication par l'organisme de lymphocytes T, mais en quantité insuffisante pour empêcher la bactérie de pénétrer dans les cellules. Selon une méta-étude de 2014, seules 27 % des personnes vaccinées sont protégées de l'infection, 71 % étant protégées contre la maladie.

    Un tiers de la population mondiale infecté par la tuberculose latente

    Selon l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé (OMS), un tiers de la population mondiale est ainsi touché par une infection « latente », c'est-à-dire infecté par la bactérie qui reste « dormante » dans l’organisme. Mais dans 5 à 10 % des cas, souvent à la faveur d'une baisse de l'immunité ou d'une maladie chronique, le bacille se réveille et la tuberculose devient alors active et contagieuse. Les scientifiques cherchent donc depuis plusieurs années le moyen de prévenir plus efficacement l'infection. En 2013, l'immunologiste Robert Seder, du National Institute of Health (NIH), l'organisme de recherche en santé du gouvernement américain, a découvert qu'administrer le vaccin contre la malariamalaria directement en intraveineuse plutôt qu'en sous-cutané ou en intra-musculaire assurait une protection plus efficace et mieux tolérée. Avec ses collègues de l'université de Pittsburgh, il s'est donc demandé si la même approche pouvait être utilisée pour le BCG.

    Nombre de granulomes (amas de cellules épithélioïdes entourés de lymphocytes, signe d’infection par la bactérie <i>Mycobacterium tuberculosis</i>) dans les poumons chez les macaques. Lignes de haut en bas : singes non vaccinés, vaccin sous-cutané dose standard, vaccin sous-cutané forte dose, vaccination par intraveineuse, vaccin aérosol, combinaison d’aérosol et d’injection sous-cutanée standard. La vaccination par intraveineuse montre la meilleure efficacité. © Patricia Darrah et al, <em>Nature</em>, 2020
    Nombre de granulomes (amas de cellules épithélioïdes entourés de lymphocytes, signe d’infection par la bactérie Mycobacterium tuberculosis) dans les poumons chez les macaques. Lignes de haut en bas : singes non vaccinés, vaccin sous-cutané dose standard, vaccin sous-cutané forte dose, vaccination par intraveineuse, vaccin aérosol, combinaison d’aérosol et d’injection sous-cutanée standard. La vaccination par intraveineuse montre la meilleure efficacité. © Patricia Darrah et al, Nature, 2020

    Pour le vérifier, les chercheurs ont testé cinq formulations de BCG chez 52 singes macaques, dont la réponse immunitaireréponse immunitaire au BCG est exactement identique à celle chez l'humain : selon la procédure standard (injection en sous-cutané) à dose normale, en intradermique à dose élevée (100 fois supérieure à la dose standard), en administration par aérosol (avec un masque), directement dans le sang par intraveineuse, ou avec une combinaison d'aérosolaérosol et d'injection sous-cutanée. Un groupe témoin non vacciné a également été constitué. Six mois plus tard, les singes ont tous été volontairement infectés par le bacille de la tuberculose.

    Résultat : tous les singes non vaccinés ont développé la maladie sous une forme sévère. Chez tous les autres groupes, à l'exception de celui vacciné en intraveineuse, on observe également la propagation de la bactérie dans les poumonspoumons. À l'inverse, 6 des 10 singes vaccinés par intraveineuse ne montrent aucune présence du bacille dans leur organisme, et chez les 4 autres, la virulence de la maladie est bien inférieure. « Cela signifie que cette forme de vaccinationvaccination prévient à la fois l'infection et la maladie », se félicite JoAnne Flynn, coauteur de l'étude parue dans Nature.

    Doper la production de lymphocytes T « mémoire »

    Une des explications avancées par les chercheurs est que le vaccin par intraveineuse entraîne une production bien plus importante de lymphocytes T dans les poumons (5 à 10 fois supérieure à celle d'une vaccination sous-cutanée ou en aérosol). Ces cellules immunitaires, qui conservent en mémoire les caractéristiques de l'agresseur, permettent une réponse plus forte et plus rapide lorsque ce dernier est à nouveau détecté par rapport aux macrophagesmacrophages. Du coup, la bactérie n'a pas le temps d'atteindre la circulation sanguine où elle pourra rester dormante pendant des années. « Cette découverte pourrait amener au développement d'un nouveau vaccin chez l'Homme et sauver des millions de vies », assure JoAnne Flynn. La tuberculose reste l'une des 10 premières causes de mortalité dans le monde, avec 10 millions de nouvelles infections chaque année et 1,5 million de décès.


    Tuberculose : vers un vaccin plus efficace que le BCG

    Article de Inserm publié le 20/04/2012

    Un nouveau vaccin contre la tuberculose pourrait un jour remplacer le BCG. En découvrant des protéinesprotéines intervenant dans la pathogénicitépathogénicité de Mycobacterium tuberculosis, les chercheurs ont pu créer une souche atténuée de la bactérie à l'origine de la maladie, qui offre à des souris une protection plus forte que le vaccin classique. L'applicationapplication à l'Homme n'est pas prévue pour tout de suite mais les travaux sont en cours.

    Des équipes de chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm, en collaboration avec une équipe de l'université de Pise, viennent de déterminer le rôle essentiel de certaines protéines dans la virulence de la mycobactériemycobactérie responsable de la tuberculoseMycobacterium tuberculosis. Ils ont réussi à créer une souche atténuée de cette mycobactérie, qui offre chez la souris une protection plus importante contre la tuberculose que le BCG. Cette découverte représente une avancée majeure pour les recherches visant à développer un vaccin plus efficace contre cette maladie. Cette étude est publiée dans la revue Cell Host & Microbe

    La tuberculose est l'une des maladies les plus répandues au monde. Elle est due à une infection par M. tuberculosis, touchant un tiers de la population mondiale. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2010, 8,8 millions de personnes ont développé la tuberculose et 1,4 million de personnes en sont mortes. Ainsi, la mycobactérie reste à ce jour l'un des pathogènespathogènes les plus virulents et les plus dangereux pour l'Homme. Malgré son efficacité chez l'enfant, le BCG ne protège pas suffisamment l'adulte contre la tuberculose pulmonaire. Cette forme de tuberculose est particulièrement contagieuse, d'où la nécessité de mettre au point un vaccin plus efficace pour combattre cette maladie. 

    Quand Mycobacterium mute, les souris dansent

    Une étude réalisée par des équipes de l'Institut Pasteur et de l'Inserm, coordonnées par Laleh Majlessi et Claude Leclerc (Institut Pasteur/Inserm), en collaboration avec Roland Brosch (Institut Pasteur) et Daria Bottai (université de Pise), révèle qu'une partie du génomegénome de M. tuberculosis peut être modifiée afin d'obtenir une souche non virulente de cette bactérie chez la souris. La mycobactérie ainsi atténuée procure une protection significative contre le développement d'une tuberculose.

    <em>Mycobacterium tuberculosis</em>, ici observé au microscope électronique à transmission, est également connu sous le nom de bacille de Koch. C'est une bactérie aérobie en forme de bâtonnet, longue de quelques micromètres, et capable de mettre à terre 1,4 million d'êtres humains chaque année. © Elizabeth Libby White, <em>Centers for Disease Control and Prevention</em>, Wikimédia Commons, DP
    Mycobacterium tuberculosis, ici observé au microscope électronique à transmission, est également connu sous le nom de bacille de Koch. C'est une bactérie aérobie en forme de bâtonnet, longue de quelques micromètres, et capable de mettre à terre 1,4 million d'êtres humains chaque année. © Elizabeth Libby White, Centers for Disease Control and Prevention, Wikimédia Commons, DP

    Dans la souche mutée, les chercheurs ont bloqué la production et le transport de certaines protéines, appelées PE/PPE, associées à une région particulière du génome de la mycobactérie, l'appareil de sécrétionsécrétion ESX-5 qui est présent dans toutes les souches virulentes de mycobactéries. Les souris infectées par cette souche atténuée ne développent pas la tuberculose. C'est ainsi qu'a été démontré le rôle essentiel des protéines PE/PPE, produites par l'appareil ESX-5, dans la virulence de M. tuberculosis.

    Un vaccin contre la tuberculose qui protégerait les adultes

    Par ailleurs, les chercheurs ont établi que les souris immunisées par la souche atténuée sont protégées très efficacement contre l'infection par M. tuberculosis. Cette protection est corrélée à la réponse immunitaire spécifique d'autres protéines PE/PPE encore présentes dans cette souche. La souche mutée de M. tuberculosis est donc un candidat vaccin sérieux contre la tuberculose, qui provoque une réaction immunitaire plus forte que le BCG chez la souris. 

    Cette découverte majeure ouvre de nouvelles perspectives pour la mise au point d'un vaccin plus efficace contre les différentes pathologiespathologies provoquées par M. tuberculosis, notamment contre la tuberculose pulmonaire de l'adulte. De nombreuses études seront nécessaires avant qu'une application soit envisageable chez l'Homme. La prochaine étape, pour les chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm, sera la création d'une souche dans laquelle une mutation supplémentaire pourrait être introduite afin de lui assurer une totale innocuité, en vue de pratiquer des essais chez l'Homme.