Le prix Nobel de physiologie et de médecine 2011 se dédouble pour récompenser des travaux novateurs sur le système immunitaire… L’un va au Canadien Ralph Steinman, qui vient juste de mourir, pour avoir montré le rôle crucial des cellules dendritiques dans l’immunité adaptative. L’autre va à l’Américain Bruce Beultler et au Français Jules Hoffmann pour leurs travaux sur l’immunité innée, découverte chez les insectes.

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    Jules Hoffmann, après la remise de la Médaille d'or du CNRS, le 22 septembre 2011. © Pascal Disdier/CNRS Photothèque

    Jules Hoffmann, après la remise de la Médaille d'or du CNRS, le 22 septembre 2011. © Pascal Disdier/CNRS Photothèque

    Comment le prix Nobel de médecine peut-il récompenser un chercheur qui a travaillé toute sa vie sur les insectes ? La question ne se posera qu'à ceux qui doutent de l'intérêt de la recherche fondamentale. Les autres savent que, souvent, la physiologie des uns explique les maladies des autres...

    Né au Luxembourg il y a soixante-dix ans, Jules Hoffmann a créé dans les années 1960 le laboratoire Réponse immunitaire et développement chez les insectesinsectes, qu'il a dirigé jusqu'en 2006. Après avoir disséqué le rôle de l'ecdysone, une hormone qui contrôle la muemue des insectes, son équipe s'attaque au système immunitaire des insectes, en travaillant sur la drosophiledrosophile. Comme chez les autres invertébrésinvertébrés, il ne semble pas exister de système de défense adaptatif, doté d'une mémoire, qui déclenche la synthèse d'anticorps spécifiques en présence d'antigènes déjà rencontrés.

    En revanche, une immunité innée se révèle efficace contre les attaques microbiennes, le corps gras (dont le rôle ressemble à celui de notre foie) peut en cas de blessure fabriquer des peptidespeptides puissamment antimicrobiens.

    Le prix Nobel de médecine 2001 pour les travaux sur l'immunité. © idé

    Le prix Nobel de médecine 2001 pour les travaux sur l'immunité. © idé

    Les mouches n’aiment pas les microbes

    En 1996, l'équipe de Jules Hoffmann découvre la clé du mécanisme : un récepteur cellulaire, nommé Toll, réagit à la présence de certains microbesmicrobes, en l'occurrence des champignonschampignons et les bactériesbactéries dites Gram-négatives. Il ne faut qu'une année pour mesurer la portée de cette découverte, quand une équipe américaine découvre chez l'Homme un récepteur tout à fait semblable, d'ailleurs baptisé TLR (Toll Like Receptor). L'immunitéimmunité innée existe donc aussi chez les vertébrésvertébrés et notamment les primatesprimates que nous sommes.


    Une des toutes premières cellules dendritiques observées par l'équipe de Ralph Steinman (décédé le 30 septembre 2011) et Zanvil Cohn (décédé en 1993). © Lab. of Cellular Physiology and Immunology/Rockfeller Institute

    L'équipe de Jules Hoffmann continue ses travaux et met en évidence un second mécanisme, spécifique, lui, des bactéries Gram-positives... lequel a un corollaire chez l'Homme. Ces réponses déclenchées par des systèmes sans mémoire sont rapides et activent ou renforcent le système immunitaire adaptatif. Il y a quelques semaines, Jules Hoffmann se voyait décerner la Médaille d’or du CNRS.

    Quant à Ralph Steinman, dont on vient d'apprendre qu'il vient de décéder vendredi d'une longue maladie, il est récompensé pour sa découverte, avec Zanvil Cohn, des cellules dendritiques. Face à des protéinesprotéines étrangères, ces cellules les capturent et les découpent. Cette famille de cellules a bien d'autres fonctions, touchant à la tolérance aux protéines provenant de l'organisme lui-même mais aussi au déclenchement de la réponse immunitaire en cas d'infection.

    Ces découvertes ont et auront d'importantes retombées en médecine pour mieux comprendre l'action très complexe du système immunitaire et imaginer de nouvelles pistes pour des traitements de maladies infectieuses ou auto-immunes, ou la maladie de Crohn, ou même de cancerscancers. Merci à ces biologistes... et à la drosophile.