La nanomédecine en est à ses balbutiements, elle vient de connaître sa première réussite en phase clinique chez l’Homme. Des nanoparticules contenant un médicament contre le cancer, le docétaxel, seraient sûres pour la santé humaine. Seule la troisième phase de l’essai clinique pourra le confirmer, mais elles pourraient bien faire reculer les tumeurs.

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    Les scientifiques tentent de mettre au point des nanoparticules depuis les années 1990. Une vingtaine d'années après, seulement, la nanomédecine commence à entrer dans les phases cliniques avec succès chez l'Homme. Peut-être le début d'une très longue aventure... © DR

    Les scientifiques tentent de mettre au point des nanoparticules depuis les années 1990. Une vingtaine d'années après, seulement, la nanomédecine commence à entrer dans les phases cliniques avec succès chez l'Homme. Peut-être le début d'une très longue aventure... © DR

    Contre le cancer, il faut toujours trouver de nouvelles solutions. Opérations chirurgicales, immunothérapies, radiothérapies et bien sûr les célèbres chimiothérapies ne suffisent pas toujours pour venir à bout des tumeurs, pour diverses raisons. Les traitements manquent parfois de spécificité et le médicament atteint aussi bien les cellules cancéreuses que les cellules saines, entraînant des effets secondaires parfois très lourds.

    L'objectif des chercheurs consiste donc à cibler davantage les cellules malades tout en épargnant les tissus en bonne santé. C'est également le but de la nanomédecine, qui consiste à envoyer des particules microscopiques prévues pour délivrer les médicaments spécifiquement sur les régions concernées.

    Si les succès se multiplient chez les animaux, la transposition à l'Homme reste toujours plus difficile. Enfin, une première du genre a été réussie, nous rapportent des chercheurs dans Science Translational Medicine, la première phase d'un essai cliniqueessai clinique en cours se passant jusque-là très bien.

    La nanomédecine devrait passer la phase 1 de l’essai clinique

    Depuis janvier 2011, 17 patients atteints de différents cancers ont reçu des injections par voies sanguines de nanoparticules (appelées BIND-014) spécialement conçues pour délivrer un médicament contre le cancer, le docétaxel, précisément au niveau des tumeurs. Toutes les trois semaines, on leur a administré des doses croissantes et les médecins ont porté leur attention sur l'apparition de nouveaux effets secondaires, différents de ceux déjà connus pour le docétaxel. Aucun ne s'est manifesté, remarquent les spécialistes, précisant même que les effets indésirables semblent être moins sévères que le traitement classique à des doses équivalentes.

    Il faut rappeler que la phase 1 d'un essai clinique consiste à s'assurer de l'innocuité d'un médicament pour l'Homme et son efficacité sera jugée ultérieurement, dans la troisième phase. Cependant, il semble que chez les patients, la thérapiethérapie soit efficace. Chez un homme de 51 ans atteint d'une tumeur au niveau des voies biliaires, ses métastases ont quasiment disparu après deux injections. Un sexagénaire atteint d'un cancer aux amygdales a vu sa tumeur se résorber de 25 %. Pour les 15 autres patients, leurs excroissances ont cessé de grossir.

    Ces cellules du cancer du pancréas pourraient bien ne pas supporter un traitement à base d'une nanoparticule qui délivre le docétaxel au niveau des cellules tumorales. Les nanoparticules sont si spécifiques qu'elles pourraient, d'après ce que montrent les premiers résultats de l'essai clinique, soigner des cancers pour lesquels le principe actif n'est pas habituellement utilisé. © Anne Weston, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Ces cellules du cancer du pancréas pourraient bien ne pas supporter un traitement à base d'une nanoparticule qui délivre le docétaxel au niveau des cellules tumorales. Les nanoparticules sont si spécifiques qu'elles pourraient, d'après ce que montrent les premiers résultats de l'essai clinique, soigner des cancers pour lesquels le principe actif n'est pas habituellement utilisé. © Anne Weston, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Une nanoparticule qui distribue le médicament in situ

    Comment le médicament fonctionne-t-il ? Il a d'abord fallu aux chercheurs de la société BIND Biosciences (Boston), associés à des scientifiques du MIT, trouver la meilleure nanoparticulenanoparticule parmi la centaine testée. Pour réussir le défi, la structure candidate doit d'une part esquiver le système immunitairesystème immunitaire, reconnaître spécifiquement les cellules tumorales d'autre part et délivrer un médicament.

    Le modèle BIND-014 a donc été retenu. La nanoparticule de polymèrespolymères se compose de trois compartiments :

    • le premier qui contient le docétaxel ;
    • un deuxième qui cible un antigèneantigène connu présent à la surface des cellules tumorales, appelé PSMA (pour prostateprostate-specific membrane antigen) ;
    • le troisième dont le rôle consiste à éviter que le système immunitaire ne prenne la nanoparticule pour une structure à éliminer.

    Cette réussite se prouve par les chiffres. Deux jours après le traitement, la concentration plasmatique de docétaxel est cent fois supérieure à ce que l'on observe dans les thérapies classiques. Au niveau des cellules tumorales, le médicament est dix fois plus concentré. Il n'a fallu que 20 % des doses de docétaxel pour aboutir à la même efficacité que celle constatée lors des chimiothérapies courantes.

    La première phase de l'étude clinique est en cours mais l'entreprise commence déjà à recruter des volontaires pour la deuxième partie de l'étude, dont le but est de déterminer la dose optimale à délivrer. Le médicament ne pourra quoi qu'il en soit pas être commercialisé avant de nombreuses années puisqu'il faut attendre que la troisième phase soit concluante. Mais l'espoir est de mise et permet d'entrevoir la perspective de thérapies nanomédicales. On se dit alors que cette nanoparticule pourrait bien faire des petits...