En plus de jouer un rôle fondamental dans la régulation du métabolisme, la thyroïde participerait aussi au bon fonctionnement de la vision, même à l’âge adulte ! De nouveaux résultats obtenus montrent que les hormones thyroïdiennes régulent les pigments situés dans les cellules de la rétine.

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    Les yeux des mammifères possèdent plusieurs types de cônes, sensibles à des  longueurs d'onde différentes, et donc permettant de percevoir les couleurs. © Malka Nuselovici, Stockvault

    Les yeux des mammifères possèdent plusieurs types de cônes, sensibles à des longueurs d'onde différentes, et donc permettant de percevoir les couleurs. © Malka Nuselovici, Stockvault

    Il suffit d'observer les symptômes d'une hypothyroïdie ou d'une hyperthyroïdie (fatigue, frilosité, manque de concentration, troubles de la mémoire, prise de poids...) pour se rendre compte de l'importance de la thyroïde, la plus grande glande du corps humain, sur le métabolisme général. Mais les nouveau-nés présentant des déficits thyroïdiens subissent aussi des problèmes de développement physiologiques et mentaux.

    Les hormones thyroïdiennes sont donc depuis longtemps connues pour intervenir dans le développement du système nerveux. Une étude sur la souris avait notamment permis de montrer l'importance de la thyroïdethyroïde dans le développement de la rétinerétine, considérée comme faisant partie intégrante du système nerveux. Seul un des deux types de cellules photoréceptrices se trouvait particulièrement affecté : les cônescônes.

    La vie en bleu et en vert !

    Ces cellules expriment en effet des protéinesprotéines qui ne sont autres que des récepteurs des hormoneshormones thyroïdiennes. Mais alors qu'il n'existe qu'un seul type de bâtonnetbâtonnet, dont la forte sensibilité à la lumièrelumière nous permet de voir dans des conditions peu lumineuses (mais en noir et blanc), il existe plusieurs types de cônes (trois chez l'Homme, deux chez la majorité des mammifèresmammifères), chacun étant spécialisé dans la perception d’une couleur particulière dont le mélange crée les nuances (un peu comme sur les vieux écrans de télévision). 

    Ces cônes se distinguent par la présence de différentes moléculesmolécules photoréceptrices (dites opsines) qui sont sensibles à des longueurs d'ondelongueurs d'onde distinctes (dans l'UVUV/-leu et dans le vert chez les rongeursrongeurs). L'intégration du signal apporté par les hormones thyroïdiennes se caractérise alors par une activation des opsines sensibles au vert, mais par un arrêt de la synthèse des opsines sensibles à l'UV-bleu.

    Les cônes d'un rat sain (à gauche) et d'un rat en hypothyroïdie (à droite) n'expriment pas les mêmes opsines. Les opsines sensibles au vert sont visualisées en vert, et celles sensibles au bleu et aux UV sont en magenta. © Martin Glösmann

    Les cônes d'un rat sain (à gauche) et d'un rat en hypothyroïdie (à droite) n'expriment pas les mêmes opsines. Les opsines sensibles au vert sont visualisées en vert, et celles sensibles au bleu et aux UV sont en magenta. © Martin Glösmann

    La régulation continue même après la naissance…

    Ce mécanisme était supposé avoir lieu uniquement au moment du développement du système visuel, qui était alors supposé être stable et privé de ce type de régulation hormonale... du moins c'est ce que l'on pensait jusqu'à ce que les chercheurs du Max PlanckMax Planck Institute for Brain Research à Francfort et des universités de Vienne, ne s'y intéressent de plus près.

    Ils voulaient déterminer, après la naissance des souris, à quel moment s'arrêtait l'action régulatrice des hormones sur la rétine. « De façon surprenante, nous n'avons pas trouvé un tel moment final ; même plusieurs semaines après la naissance, il y avait un effet hormonal », explique Anika Glaschke, l'une des auteurs de ce travail. 

    …et jusqu’à l’âge adulte !

    De plus, en réduisant l'activité thyroïdienne des souris adultes pendant plusieurs semaines, tous les cônes ont accéléré la synthèse d'opsines sensibles aux UV-bleu et réduit la production de celles sensibles au vert. En rétablissant l'équilibre hormonal thyroïdien, les cônes ont alors retrouvé leur « type » d'origine, soit bleu soit vert.

    Ainsi, tout au long de la vie, l'expression des opsines par les cônes serait régulée par la thyroïde. Martin Glösmann de l'université de médecine vétérinairevétérinaire à Vienne conclut que « si ce mécanisme agit aussi sur les cônes humains, le déficit en hormone thyroïdienne chez l'adulte - par exemple comme une conséquence d'un régime déficitaire en iodeiode ou par ablationablation de la thyroïde - pourrait aussi affecter les opsines des cônes et la vision des couleurscouleurs ». Toutefois, d'un point de vue clinique, la sévérité des autres symptômes d'hypothyroïdie conduit probablement à l'administration d'un traitement au patient avant même d'observer cette affection de la vision.