Après différents rapports qui faisaient part du risque potentiel pour la santé du chlordécone, un insecticide utilisé aux Antilles pendant une vingtaine d’années, une étude de l’Inserm et du CHU de Pointe-à-Pitre établit clairement le lien entre l’exposition à la molécule et le risque de cancer de la prostate.

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    Les bananeraies des Antilles françaises ont été traitées pendant plus de 20 ans par un insecticide toxique, le chlordécone. © Enzik / Licence Creative Commons

    Les bananeraies des Antilles françaises ont été traitées pendant plus de 20 ans par un insecticide toxique, le chlordécone. © Enzik / Licence Creative Commons

    Le chlordécone est un insecticide organochloré très utilisé entre les années 1973 et 1993 dans les bananeraies antillaises pour lutter contre le charançon. Malgré son interdiction depuis 1990 en France et la fin de son utilisation aux Antilles en 1993, la moléculemolécule non biodégradablebiodégradable est toujours présente dans les sols de la Martinique et de la Guadeloupe, et donc dans les produits alimentaires d'origine animale et végétale cultivés sur les sols contaminés.

    L'exposition des ouvriers dans les usines américaines de fabrication du Kepone (nom commercial du chlordécone) avait ouvert la voie à de nombreuses études sur la dangerosité du produit. Les premiers résultats attestaient d'une toxicité neurologique et reproductive à la fois chez l'homme et chez l'animal. La molécule aurait un rôle de perturbation hormonale et endocrinienne en mimant l'action des œstrogènesœstrogènes.

    Ici, les chercheurs se sont intéressés au lien potentiel entre le cancer de la prostate et la molécule. Une étude a été menée par le CHU de Pointe-à-Pitre et l'Inserm sur des malades atteints d'un cancer de la prostate de 2004 à 2007 : 709 hommes atteints et 723 en bonne santé ont participé à l'étude. Les chercheurs ont conclu que l'exposition au chlordécone semble augmenter les risques de cancer de la prostate dans le cas de concentrations supérieures à 1 microgramme par litre de sang, ceci chez les personnes ayant résidé dans un pays occidental ou ayant des antécédents familiaux.

    Carte statistique de la contamination au chlordécone à la Martinique. © SIG DIREN Martinique, IGN Paris, BRGM

    Carte statistique de la contamination au chlordécone à la Martinique. © SIG DIREN Martinique, IGN Paris, BRGM

    Les sols pollués pour longtemps...

    Le chlordécone pourrait donc participer à la forte prévalence des cancers de la prostate dans les Antilles, où plus de mille nouveaux cas apparaissent chaque année. Le cancer de la prostate représente la moitié des cancers dépistés aux Antilles, tous sexes confondus. Cependant, le chlordécone ne semble pas en être le seul facteur. La présence d'antécédents familiaux de cancers ou les perturbations hormonales dues à l'expatriation pendant plus d'un an favorisent également l'apparition de la maladie. L'étude sera publiée dans le Journal of clinical oncology.

    Des études préliminaires avaient permis de déterminer la valeur toxicologique de référence (VTR) du chlordécone, égale à 0,5 microgramme de consommation par kilogrammekilogramme et par jour. La proportion de la population réellement concernée par la contamination des sols correspond à 1 à 2% des Martiniquais et des Guadeloupéens. Si toutefois le taux de chlordécone dans le sang des Antillais est beaucoup plus faible que celui des ouvriers de l'usine de fabrication de Kepone, les effets devraient s'étendre dans la duréedurée puisque la pollution devrait persister dans le sol pendant plusieurs siècles.

    L'INVS préconise alors de renforcer les recherches sur les méfaits du chlordécone : effectuer des recherches toxicologiques, épidémiologiques (lien entre exposition et cancer, fertilité, maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives) et essayer d'en prévenir les risques. De plus, l'Afssa préconise de ne consommer des légumes provenant du jardin que deux fois par semaine. A quand la dépollutiondépollution ?