La grippe A, responsable d'une pandémie particulièrement mortelle pour les jeunes, pourrait avoir livré le secret de sa dangerosité. Le système immunitaire des jeunes adultes reconnaîtrait le virus d'une mauvaise façon, entraînant une réponse immunitaire néfaste pour l'organisme.

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    Le système immunitaire pourrait être responsable de la sévérité de l'infection par le virus de la grippe A(H1N1). © DR

    Le système immunitaire pourrait être responsable de la sévérité de l'infection par le virus de la grippe A(H1N1). © DR

    La grippe saisonnière compte habituellement ses victimes parmi la population souvent considérée comme la plus vulnérable : les personnes les plus âgées ou les enfants. La pandémie de grippe A l'année dernière a fait peur, en s'attaquant particulièrement aux jeunes adultes, à priori en bonne santé et en tout cas sans antécédents médicaux. Ce n'était pas une nouveauté parmi les grippes pandémiques, raison de plus pour tenter de comprendre un tel phénomène.

    Les virus de la grippe pandémique sont-ils particulièrement agressifs ? Des infections bactériennes viennent-elle se rajouter, aggravant la situation des malades ? Un nouvel article paru dans Nature apporte une autre explication, plutôt inattendue : notre système immunitaire réagirait mal face au virus et deviendrait néfaste pour notre propre organisme.

    L'immunité évolue en fonction des virus rencontrés 

    Le système immunitaire nous protège contre des agressions extérieures. Certains lymphocytes B qui reconnaissent une partie du virus sont activés, ils se multiplient et synthétisent de grosses quantités d'anticorpsanticorps, dirigés contre le même antigèneantigène. Ce système très spécifique fait généralement ses preuves et permet d'enrayer toute sorte d'infection. Les anticorps synthétisés restent ensuite vigilants et prêts à attaquer s'ils rencontrent à nouveau le même agresseur.

    Les personnes âgées, qui avaient déjà au cours de leur vie rencontré une souche de virus proche du H1N1 avant 1957, possédaient donc pour beaucoup d'entre elles des anticorps neutralisants qui les ont protégés de la souche de 2009. À l'inverse, les enfants n'ayant jamais été en contact avec le virus ne possédaient pas d'anticorps. Les jeunes adultes (20-50 ans), ont été exposés chaque année à d'autres souches grippales, leur conférant des anticorps variés contre différents virus.

    La protéine C4d (orange) est davantage retrouvée dans les poumons de malades infectés par la souche de grippe H1N1 de 2009 (les deux photos de gauche) que ceux du malade infecté par une grippe saisonnière (à droite). © <em>Nature</em>

    La protéine C4d (orange) est davantage retrouvée dans les poumons de malades infectés par la souche de grippe H1N1 de 2009 (les deux photos de gauche) que ceux du malade infecté par une grippe saisonnière (à droite). © Nature

    La protection conférée par les anticorps devrait alors théoriquement être progressive en fonction des différentes grippes rencontrées et donc de l'âge. Mais en réalité, les enfants pourtant moins confrontés aux grippes ont certes été plus nombreux à être infectés par la grippe A, mais n'ont pas été aussi sévèrement malades que les adultes. Alors que se passe-t-il lors des infections pandémiques ?

    Les chercheurs de l'université Vanderbilt à Nashville ont analysé les sécrétionssécrétions des voies aériennes et les sérumssérums de 75 adultes (17-57 ans) ayant été sévèrement atteints par la grippe H1N1 la saisonsaison dernière en Argentine, ainsi que des biopsiesbiopsies de leurs poumonspoumons. Pas moins de 23 d'entre eux sont décédés et 15 ont nécessité des soins intensifs. Tous les aspects du système immunitaire ont été étudiés dans les échantillons : la localisation du virus, la quantité des cellules immunitaires (lymphocytes) ou des cytokinescytokines...

    Des anticorps non protecteurs à l'origine de la sévérité de l'infection

    Un paramètre a sauté aux yeuxyeux des scientifiques : chez les personnes sévèrement malades, les anticorps sont nombreux et capables de reconnaître le virus, mais leur avidité est faible, c'est-à-dire qu'ils ne s'accrochent pas suffisamment au virus pour le neutraliser, et n'empêchent donc pas la réplicationréplication du virus. Mais ce n'est que le début du problème...

    Les complexes immunscomplexes immuns formés par les anticorps et les antigènes recrutent des protéinesprotéines du complément, destinées à tuer l'envahisseur. Malheureusement, dans ce cas, la protéine du complément C4d est perturbée, probablement par la faible interaction de l'anticorps, et commence à attaquer les cellules du poumon au lieu de s'attaquer au virus. De grandes quantités de protéines C4d ont en effet été retrouvées sur les poumons des patients très malades, ce qui a également été repéré sur des échantillons de poumons de personnes décédées en 1957 de la souche pandémique H2N2.

    Selon les auteurs de l'article, le mécanisme d'autodestruction lié à un complexe immun inapproprié pourrait peut-être être similaire pour toutes les pandémies de grippes. Les enfants, qui n'ont pas encore d'anticorps, en fabriquent pour l'occasion, et les plus âgés qui possèdent déjà des anticorps mieux adaptés seraient donc à l'abri. Le rôle des interféronsinterférons, d'un titre viral plus important ou d'une surinfection par des bactériesbactéries n'est toutefois pas exclu.