Des chercheurs français sont parvenus à transformer des souris noires en souris blanches par manipulation génétique. À quoi cela peut-il servir ? À mieux cerner le rôle des cellules de la peau et de deux protéines, nommées B-Raf et C-Raf, dans la formation des mélanomes.


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    Les mélanocytes sont les cellules de l'organisme qui donnent leurs couleurscouleurs à la peau, aux poils et aux cheveux. Cette pigmentation colore les organismes et, également, protège du soleilsoleil. Un dysfonctionnement de ces cellules peut entraîner des mélanomes, des cancers de la peaucancers de la peau très agressifs qui deviennent difficiles à traiter lorsqu'ils progressent et forment des métastases. 

    Chez l'Homme, les chercheurs ont découvert il y a quelques années que le gène Braf, qui code pour une enzymeenzyme appelée kinase B-Raf, est muté dans plus de 50 % des mélanomes.

    Des progrès spectaculaires ont été obtenus ces dernières années dans le traitement de ce cancer grâce au développement d'inhibiteurs pharmacologiques ciblant cette protéineprotéine. Toutefois, malgré ces traitements, le cancer resurgit chez de nombreux patients, signe que toutes les cellules cancéreuses ne sont pas éliminées. Tout laissait penser aux chercheurs que B-Raf n'était pas le seul acteur responsable du processus cancéreux.

    À la naissance, ces deux souris avaient le pelage noir. Mais grâce à une modification génétique, celle de droite voit son pelage s'éclaircir au fil du temps. © A. Eychène et F. Bertrand, Institut Curie
    À la naissance, ces deux souris avaient le pelage noir. Mais grâce à une modification génétique, celle de droite voit son pelage s'éclaircir au fil du temps. © A. Eychène et F. Bertrand, Institut Curie

    Des souris noires deviennent blanches en passant par le gris

    Dans ce nouveau travail publié dans Cell Report, les scientifiques de l'Inserm et du CNRS ont tenté de comprendre comment les mélanocytes fonctionnaient de manière normale pour cerner ensuite leur implication précise dans le cancer. Ils ont pour cela supprimé tour à tour l'expression de la protéine B-Raf, puis celle d'une protéine de la même famille, C-Raf, chez des souris au pelage noir (idéal pour bien voir les changements de pigmentation). 

    Chez les souris auxquelles les chercheurs ont supprimé seulement l'expression de B-Raf ou seulement l'expression de C-Raf dans la lignée de cellules donnant naissance aux mélanocytes, on n'observe pas de changement de pigmentation.

    Les souris auxquelles on a supprimé simultanément les deux gènes codant pour B-Raf et C-Raf ont également une couleur normale à la naissance. En revanche, elles perdent peu à peu leur pigmentation au fur et à mesure de leur croissance. De noires, elles deviennent grises puis de plus en plus blanches.

     

    Alain Eychène explique à travers cette petite vidéo leur drôle d'expérience. © Inserm

     

    B-Raf et C-Raf, des cibles contre le mélanome

    Pour Alain Eychène, responsable de l'équipe de cette étude, « ces observations traduisent un défaut dans le renouvellement des mélanocytes. Puisque la couleur noire est présente à la naissance, les cellules pigmentairespigmentaires existent bien. En revanche, le blanchiment progressif du pelage en l'absence de B-Raf et C-Raf dans cette lignée cellulaire prouve que ces deux protéines sont nécessaires au renouvellement des mélanocytes ». 

    Comme toutes les cellules, les mélanocytes dérivent de cellules souches qui assurent ce renouvellement lors des muesmues. Ces travaux montrent que c'est précisément et uniquement cette population de cellules souchescellules souches qui disparaît progressivement chez les souris mutantes.

    Pour Alain Eychène, « il s'agit de la première démonstration in vivoin vivo du rôle des protéines Raf dans l'autorenouvellement de cellules souches normales ». 

    Le fait que B-Raf et C-Raf soient toutes deux impliquées dans le contrôle et le renouvellement des cellules souches pigmentaires représente un pas de plus dans la compréhension et le traitement du mélanome. En les bloquant chez les patients traités par les inhibiteurs,les chercheurs parviendront peut-être à terme à éliminer toutes les cellules souches cancéreuses, probablement responsables des cas de rechuterechute.