Bien dormir, c’est aussi important que bien se nourrir et bien courir ! Alors qu’on associe le déficit de sommeil à des risques de diabète ou d’obésité, les mécanismes sous-jacents commencent peu à peu à se dévoiler. Les cellules adipeuses, celles de la graisse, deviennent bien moins sensibles à l’insuline quand la nuit a été trop courte. Voilà peut-être le début d’une explication…

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    Rien de mieux pour la santé qu'une bonne nuit de sommeil. Ce phénomène étrange, durant lequel on perd conscience de notre environnement, nous est indispensable. D'une part, il permet au cerveau de se réorganiser, d'intégrer les données de la journée et de se reposer. D'autre part, il affecte le métabolisme. Comment ? On ne sait pas exactement, mais les scientifiques ont établi un lien entre déficit de sommeil et risques de déclencher des troubles métaboliques, comme l'obésité ou le diabète de type 2.

    Que se passe-t-il au niveau cellulaire ? Les chercheurs disposent de peu d'informations, n'ayant pu remarquer seulement le fait qu'une nuit trop courte entraîne une augmentation de la glycémie (taux de sucres dans le sang) ou des concentrations en hormones de la satiétéhormones de la satiété (leptine), ou bien encore une altération de la perception des entrées caloriques dont certaines régions du cerveau se chargent.

    On devrait y voir un peu plus clair désormais, car une équipe scientifique de l'University of Chicago vient de révéler l'impact du sommeil sur les cellules du tissu adipeuxtissu adipeux (la graisse). Après un déficit de sommeil, celles-ci perdent 30 % de leur sensibilité à l'insulineinsuline, caractéristique d'un diabète...

    Des cellules adipeuses qui ont besoin de sommeil

    Cette expérience, et c'est là l'un de ses défauts, a fait appel à seulement sept volontaires, dont une seule femme. Tous étaient jeunes, en bonne santé et minces. Un panel difficilement généralisable à la population globale. Tant pispis, les éléments qu'ils ont trouvés sont suffisamment probants pour réitérer une telle étude à grande échelle.

    Le tissu adipeux, la graisse, a mauvaise presse mais joue pourtant un rôle fondamental. En retirant les acides gras et les lipides de la circulation, il prévient de troubles vasculaires. S'il commence à perdre en efficacité, cela n'est pas bon signe pour la santé... © Jagiellonian University, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Le tissu adipeux, la graisse, a mauvaise presse mais joue pourtant un rôle fondamental. En retirant les acides gras et les lipides de la circulation, il prévient de troubles vasculaires. S'il commence à perdre en efficacité, cela n'est pas bon signe pour la santé... © Jagiellonian University, Wikipédia, cc by sa 3.0

    L'expérience, publiée dans Annals of Internal Medicine, se déroulait en deux temps. Les participants disposaient de 8 heures et 30 minutes pour dormir durant quatre nuits consécutives puis, au moins quatre semaines plus tard, on leur laissait uniquement 4 heures et 30 minutes, une fois encore pour quatre nuitées. Tout le temps de l'expérimentation leur alimentation a été contrôlée de façon à rester identique dans les différentes situations. À la fin, un test de résistancerésistance au glucoseglucose a été mené afin de déterminer la sensibilité du corps à l'insuline.

    D'autre part, les chercheurs ont prélevé quelques échantillons de cellules adipeuses au niveau du nombril des patients. Ils se sont là aussi focalisés sur leur sensibilité à l'hormone pancréatique, à travers la mesure de la phosphorylationphosphorylation d'une protéineprotéine nommée Akt, facteur clé dans la réponse à l'insuline.

    Dormir plus contre le diabète et l’obésité

    Après le déficit de sommeil, les organismes se révélaient beaucoup moins sensibles à l'hormone hypoglycémiante (- 16 %), mais l'effet était encore nettement plus marqué au niveau des cellules graisseuses : 30 % de résistance en plus à l'insuline. Les taux devaient être trois fois plus importants que dans la situation d'une nuit complète pour provoquer la moitié de la réponse maximale en Akt. De tels ordres de grandeursordres de grandeurs se sont vérifiés chez tous les patients.

    Ces écarts sont tout à fait analogues à ce que l'on observe quand on compare la sensibilité à l'insuline des cellules adipeuses d'une personne mince avec une autre obèse ou d'un patient diabétique avec un individu ne présentant pas la pathologiepathologie.

    Pour Matthew Brady, coauteur de cette étude, un tel résultat est alarmant. C'est comme si le métabolisme d'un individu vieillissait de 10 à 20 ans en l'espace de quatre nuits. Mais comment est-ce possible ? Les chercheurs y voient pour l'instant une explication plausible (pas encore démontrée) : la privation de sommeil engendrerait un stress pour l'organisme, qui sécrèterait alors dans la circulation des hormones, notamment l'adrénalineadrénaline et le cortisolcortisol, toutes deux associées à la résistance à l'insulinerésistance à l'insuline du fait de leur effet antagoniste.

    Pour en savoir davantage, une équipe de scientifiques s'est déjà constituée avec pour objectif de comprendre en quoi le sommeil affecte les cellules adipeuses au niveau moléculaire. Quel impact d'un tissu adipeux non pleinement fonctionnel sur un organisme entier ? Faut-il prescrire de longues nuits de repos aux patients diabétiquesdiabétiques ou obèses pour voir la maladie reculer d'elle-même ? De belles questions qui nécessitent une réponse ferme. Mais avant cela, il faut reproduire cette expérience avec un public plus large et plus représentatif afin de s'assurer de l'universalité d'un tel lien.