Prenez un rein d’un donneur. Détruisez toutes les cellules avec un détergent pour ne garder que l’architecture. À ce stade, ajoutez de nouvelles cellules rénales et vasculaires bien vivantes et placez le tout dans une étuve. Laissez mijoter quelques jours : il en ressort un rein artificiel capable de produire de l’urine in vitro et in vivo, chez le rat au moins.

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    Le rein a pour fonction de filtrer le sang et de collecter les déchets pour les expulser à travers l'urine. Celui à l'image a été recréé après la destruction de toutes les cellules préalablement existantes sur l'organe d'un donneur dont seule l'architecture a été conservée par ajout de lignées cellulaires. Un espoir pour tous les patients victimes d'insuffisance rénale. © Ott Lab, Center for Regenerative Medicine, Massachusetts General Hospital

    Le rein a pour fonction de filtrer le sang et de collecter les déchets pour les expulser à travers l'urine. Celui à l'image a été recréé après la destruction de toutes les cellules préalablement existantes sur l'organe d'un donneur dont seule l'architecture a été conservée par ajout de lignées cellulaires. Un espoir pour tous les patients victimes d'insuffisance rénale. © Ott Lab, Center for Regenerative Medicine, Massachusetts General Hospital

    Tout raser pour mieux reconstruire. C'est peut-être un concept qui régira les greffes d’organes à l'avenir. Bien que certains travaillent à l'élaboration de tissus artificiels, d'autres entendent pousser la médecine régénérative un stade plus loin en recréant des organes fonctionnels à partir de leur seule architecture. Cela a pu être testé avec succès en laboratoire pour le cœur, le poumon ou le foie chez les rongeursrongeurs.

    Pourtant, la demande d'organes concerne principalement le rein. Par exemple, aux États-Unis, plus de 100.000 personnes attendent une greffe chaque année, mais seuls 18.000 en profitent. Et encore, on dénombre 5.000 décès des suites d'un rejet, malgré la prise d'un traitement immunosuppresseur censé éviter cet événement indésirable.

    Des chercheurs du Massachusetts General Hospital de Boston apportent la première pierre à un vaste édifice qui permettra peut-être, un jour, de créer des reins implantables à partir d'un organe d'un donneur et de cellules du patient. Ainsi, ils espèrent court-circuiter le manque d'organes disponibles et les risques de rejet, comme ils l'expliquent dans Nature Medicine.

    À l'image, on peut voir un rein de porc passé au détergent. Bien que toutes les cellules aient été détruites, l'organe garde sa forme grâce à son « squelette » de collagène. © Ott Lab, <em>Center for Regenerative Medicine</em>, <em>Massachusetts General Hospital</em>

    À l'image, on peut voir un rein de porc passé au détergent. Bien que toutes les cellules aient été détruites, l'organe garde sa forme grâce à son « squelette » de collagène. © Ott Lab, Center for Regenerative MedicineMassachusetts General Hospital

    Des reins régénérés remplissent leurs fonctions

    Pour l'heure, on est encore loin de toucher ce rêve du doigt. Mais ces scientifiques viennent de montrer qu'il ne relève pas de l'impossible, puisque la performance a été réussie chez le rat. Le protocoleprotocole mérite d'être détaillé.

    Dans un premier temps, ils ont remarqué que lorsqu'ils passaient un rein de rat, de cochon ou d'Homme au détergent, toutes les cellules vivantes étaient détruites, mais l'architecture en collagène de l'organe et des vaisseaux sanguins restait intacte. Des reins de rats ainsi dénaturés ont été mis en contact avec différents types cellulaires. Au niveau de l'artèreartère, les auteurs ont injecté des cellules vasculaires humaines. Par l'uretèreuretère, tuyau qui emmène l'urine jusqu'à la vessievessie, des cellules rénales de rats nouveau-nés ont été placées. Le tout a été inséré dans une étuveétuve spéciale, un bioréacteur, pendant une douzaine de jours.

    L'organe ainsi recréé a ensuite été testé dans une machine qui imite la circulation sanguine. Le rein artificiel a bien rempli sa fonction : le liquideliquide a été filtré, puis de l'urine collectant les déchetsdéchets du métabolismemétabolisme a été formée. Mais les rendements sont loin de ceux réalisés naturellement, puisque la production n'atteint que 23 % de ce qu'un rein normal génère.

    Faciliter les greffes de reins à l’avenir

    Le nouvel organe a ensuite été transplanté chez des rats à qui il manquait un rein. Là encore, il a rempli sa fonction dès lors que la circulation sanguine a été établie. Dans cette situation, il existe normalement un risque de formation de caillotcaillot sanguin, mais les chercheurs n'ont rien remarqué de tel. En revanche, les rendements ont chuté davantage et ne sont plus que de 3 %.

    Cela pourrait s'expliquer par le fait que les cellules utilisées étaient immatures et non pleinement efficaces. Les auteurs précisent également qu'améliorer même modestement la fonction rénale pourrait permettre à des patients d'éviter la dialyse. Il reste malgré tout des progrès à faire.

    Le but ultime de cette démarche est d'appliquer la méthode à l'être humain. Le rein du donneur n'a pas besoin de correspondre génétiquement avec l'ADNADN du receveur : seule l'architecture compte. Ainsi, même des reins de porcs, de taille similaire aux nôtres, peuvent faire l'affaire, ce qui permet de fournir un plus grand nombre d'organes. Ensuite, l'idéal serait de prélever les propres cellules du patient pour reconstituer le rein, afin d'éviter les risques de rejet. Mais là, on change d'échelle, et l'extrapolation des résultats du rat à l'Homme est toujours très complexe. Un tel rein régénéré ne pourra pas être disponible avant de nombreuses années encore. Trop tard pour ceux actuellement dans l'urgence.