Un simple virus peut-il transformer des cellules en authentiques cellules souches ? Un résultat étonnant, et observé fortuitement, semble le prouver et les vérifications des chercheurs n'ont pas mis en évidence une erreur de manipulation. Pourtant, les scientifiques doutent toujours...

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    L'insertion de cellules CSPi de souris dans un embryon devrait permettre de vérifier leur pluripotence. © Plos One

    L'insertion de cellules CSPi de souris dans un embryon devrait permettre de vérifier leur pluripotence. © Plos One

    Des cellules de peau, donc déjà différenciées, ont été mises en contact avec le virus utilisé habituellement pour délivrer des gènes destinés à rendre la cellule dédifférenciée, c'est-à-dire à la transformer en cellule souche. Or dans ce cas précis, le virus était vide et n'apportait donc aucun gène. Pourtant, la cellule de peau est devenue souche ! Ces résultats surprenants ont été révélés au Congrès annuel de la Society for Stem Cell Research à San Francisco.

    Les chercheurs sont parvenus à cette découverte un peu par hasard. Le laboratoire voulait importer les techniques d'étude des cellules souches pluripotentes induites, ou CSPi, des cellules adultes qui retrouvent une pluripotence. Habituellement, c'est l'association de facteurs hormonaux externes dans le milieu de culture des cellules puis l'apport de quelques gènes par un vecteur viral qui permettent la reprogrammation cellulaire. En voulant se faire la main, le chercheur a juste inoculé le virus aux cellules, sans apporter aucun gène de reprogrammation. Etrangement, les cellules a priori non reprogrammées se sont comportées comme des cellules pluripotentes.

    Après ces résultats étonnants, plusieurs hypothèses ont été soulevées et explorées. Premièrement, il pourrait s'agir d'une contaminationcontamination par d'autres cellules CSPi du même laboratoire. Ce genre d'incident peut survenir et il est difficile de reconnaître ces cellules à l'œilœil (et au microscopemicroscope). Ils ont donc bien entendu vérifié génétiquement la provenance des cellules, ce qui rend cette hypothèse caduquecaduque.

    Des cellules souches CSPi ont été obtenues par l'inoculation de cellules de la peau par un virus vide de gènes de reprogrammation. © <em>Nature Methods</em>

    Des cellules souches CSPi ont été obtenues par l'inoculation de cellules de la peau par un virus vide de gènes de reprogrammation. © Nature Methods

    Cellule souche ou cancéreuse ?

    Deuxième hypothèse : il pourrait s'agir d'une erreur de manipulation par l'utilisation du mauvais virus... L'expérience a donc été répétée plusieurs fois. L'efficacité d'obtention de ces cellules CSPi à l'aide du virus seul n'est que de 1 sur 1 million, et les cellules possèdent des anomalies chromosomiquesanomalies chromosomiques. Mais l'expérience est reproductible. Les cellules ont passé avec brio tous les tests habituels qui permettent de caractériser les cellules CSPi. Ce n'était donc pas une erreur de manipulation. Mais il faut trouver le bon contexte : une dose trop élevée de virus est toxique ou une dose trop faible ne permet pas l'apparition de cellules CSPi. Les facteurs de croissancefacteurs de croissance ajoutés au milieu de culture sont aussi essentiels.

    Troisième hypothèse : il s'agit bien de cellules souches CSPi. Le lentiviruslentivirus utilisé dans ces expériences est similaire au VIHVIH : il peut s'intégrer dans le génomegénome et est donc capable de couper un gène ou de perturber l'expression de certains gènes. Là se trouve probablement l'explication. Mais elle ne reste pas moins stupéfiante. De récentes recherches montraient qu'il fallait modifier l’expression de cinq gènes pour obtenir l'effet souhaité. Ici, l'intégration du virus à un seul endroit est suffisante. Les chercheurs sont donc en train de déterminer le site d'insertion du virus dans le génome. Cela permettrait peut-être de caractériser un gène qui serait plus efficace pour la reprogrammation cellulaire que ceux déjà identifiés.

    Si la troisième hypothèse est très stimulante, des détracteurs ne croient pas à la théorie rapportée par les chercheurs de l'Université de Glasgow et avancent une quatrième hypothèse. Ces prétendues cellules souches ne pourraient-elles pas être tout simplement des cellules cancéreuses ? Pour tester la pluripotence des cellules, rien de tel que de répéter l'expérience avec des cellules de souris, les insérer dans un embryonembryon de souris et de voir si elles peuvent donner de la peau, des os, des organes...