Depuis des années, des données sismologiques indiquent l’existence à la base de la couche D'', entre le manteau inférieur de la Terre et le noyau, d'une couche encore plus fine où pourraient se produire des infiltrations de fer en provenance du noyau. Deux géophysiciens de l’université de Yale ont réalisé des expériences qui soutiennent cette hypothèse.

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    Que se passe-t-il à la base du manteau de la Terre ? Géochimistes et géophysiciens ne le savent pas encore très bien, aucun échantillon de roche de cette partie de notre planète ne nous étant accessible. Les chercheurs doivent se contenter des expériences en laboratoire, simulant les conditions de températures et de pressionspressions régnant à presque 2.900 km de profondeur, et des données sismologiques recueillies à la surface de la planète.

    Ce qui est sûr, c'est qu'il existe à la base du manteau une couche « anormale », nommée D'' qui intrigue beaucoup les spécialistes en géosciences. Son nom date du temps où le manteau inférieur se nommait « couche D » et était divisé en deux sous-couches, D' et D''. Il semblerait que cette couche D'' possède une structure complexe et hétérogène avec des zones que l'on interprète comme des vestiges de morceaux de plaques tectoniques subductées. Il s'y produit des échanges thermiques et peut-être aussi chimiques, de moment cinétiquemoment cinétique et de massemasse entre le manteau et le noyau.

    Une coupe de l'intérieur de la Terre, de la surface au centre à 6.371 km. On voit la mince couche D'' à l'interface entre le manteau inférieur et le noyau. Il pourrait s’y produire des infiltrations de fer en provenance du noyau. © <em>Nature</em>

    Une coupe de l'intérieur de la Terre, de la surface au centre à 6.371 km. On voit la mince couche D'' à l'interface entre le manteau inférieur et le noyau. Il pourrait s’y produire des infiltrations de fer en provenance du noyau. © Nature

    L'énigmatique et complexe couche D'', entre manteau et noyau

    Comprendre ces échanges est important car cette interface entre les deux milieux pose des contraintes sur le comportement de la partie liquideliquide du noyau. Or, c'est précisément dans cette partie que des courants convectifs de matièrematière et d'électricité génèrent le champ magnétiquechamp magnétique de la planète via une dynamodynamo autoexcitatrice que l'on étudie en modèle réduit au laboratoire avec l'expérience VKS. Comprendre la couche D'' pourrait nous donner des clés pour mieux comprendre les inversions magnétiques.

    Deux géophysiciens de l'université de Yale, Shun-ichiro Karato et Kazuhiko Otsuka, viennent de publier dans Nature un article dans lequel ils exposent le résultat d'expériences qui indiqueraient la possibilité que se produisent des infiltrations de ferfer dans la couche D'' en provenance du noyau. Les sismologuessismologues, plus généralement les géophysiciens et les géochimistes, suspectaient de telles infiltrations depuis des années, mais aucun mécanisme convaincant n'avait été proposé pour les modéliser.

    Des infiltrations de fer dans le manteau

    Les chercheurs ont reproduit les conditions de pression et de température dans la couche D'' et ont mis en contact du fer fondu avec des cristaux d'oxyde de magnésiummagnésium et de fer. On pense en effet que la couche D'' à l'interface entre le noyau et le manteau terrestre (135 GPa, 3.250 °C) est constituée de post-pérovskite, un minéral de composition MgSiO3. En quelques minutes, des sortes de bulles de liquide riche en fer ont pénétré dans les cristaux, probablement en réponse à une instabilité liée au gradientgradient de concentration en oxyde de fer dans ces cristaux.

    Transposée à la couche D'', large de 200 à 300 km, cette expérience suggère que des infiltrations de fer y sont présentes sur une épaisseur de 50 à 100 km. Selon les chercheurs, des conclusions similaires pourraient être atteintes en ce qui concerne d'autres astresastres rocheux différenciés.