Le trafic des animaux serait la deuxième cause de l’érosion de la biodiversité. Et il n'est pas en baisse. En 2011, le trafic mondial de l’ivoire a atteint un record historique et l'arrestation de passeurs ou de trafiquants d’animaux fait régulièrement la une de la presse. Futura-Sciences est allé enquêter là où ces trafics sont mis au jour : à la douane. Les fraudeurs ne sont pas toujours ceux que l'on croit...

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    Le commerce des animaux protégés est particulièrement dommageable. Il serait la deuxième cause de la disparition d'espèces animales ou végétales après la destruction de leurs habitats. Les espèces protégées sont inscrites dans la convention Cites (ou convention de Washington). Elle régit l'import, l'export et le réexport d'espèces animales ou végétales menacées d'extinction, et de tous les produits qui en sont issus.

    L'année 2011 restera certainement dans les mémoires. Jamais autant d'ivoire n'avait été saisie dans le monde alors que sa vente est interdite depuis plus de vingt ans. Les éléphants ne sont pas les seules victimes de ce trafic. Au Brésil, un homme a été arrêté avec plus de 240 animaux vivants (dont quelques serpents potentiellement mortels) cachés dans sa valise en décembre dernier. En France, les saisies de singes magots, de perroquets du Gabon ou d'un faucon crécerelle ont également fait l'objet de titres dans la presse en 2011. Notre pays n'est donc pas épargné par le phénomène.

    Au-delà de ces faits divers, quelle est l'ampleur de ce trafic ? Les services de la douane nous ont fourni des informations chiffrées et quelques éclaircissements sur les fraudeurs. Ils ne sont pas toujours ceux que l'on croit.

    En France en 2010, 11.129 saisies ont été effectuées dans le cadre de la lutte contre le commerce international d’espèces animales ou végétales protégées par la convention de Washington. Ces saisies se divisent en plusieurs catégories. La proportion de chacune d’entre elles est représentée dans le diagramme ci-dessus. © Quentin Mauguit/Futura-Sciences (d’après les données transmises par la douane)

    En France en 2010, 11.129 saisies ont été effectuées dans le cadre de la lutte contre le commerce international d’espèces animales ou végétales protégées par la convention de Washington. Ces saisies se divisent en plusieurs catégories. La proportion de chacune d’entre elles est représentée dans le diagramme ci-dessus. © Quentin Mauguit/Futura-Sciences (d’après les données transmises par la douane)

    Trafic d'animaux : plus de 11.000 saisies en 2010

    Les chiffres fournis datent de 2010. Durant cette année, les services de la douane ont constaté 649 infractions liées au commerce d'animaux inscrits dans les annexes de la convention de Washington. Plus de 11.000 spécimens et 9 tonnes de produits divers ont été interceptés.

    • 712 animaux vivants ;
    • 487 animaux naturalisés ;
    • 1.677 pièces d'ivoire ;
    • 1.336 coquillages et coraux ;
    • 6.917 articles produits à partir d'espèces protégées (maroquinerie en peau de crocodile, peignes en écaille de tortue, etc.).

    Les animaux vivants représentent 6 % du total des saisies. Mais quelles sont les principales espèces concernées ? La grande majorité d'entre elles sont des tortues. Viennent ensuite les poissons, les araignéesaraignées, les oiseaux et enfin d'autres reptilesreptiles (caméléons, etc.).

    Les animaux saisis en 2010 appartiennent à plusieurs grands groupes. Les retrouver vivants relève parfois du miracle. Certains passent plusieurs jours dans des boîtes trop hermétiques et meurent par asphyxie, inanition ou déshydratation. Les valeurs 2010 n'ont pas été confirmées officiellement. Quoi qu'il en soit, la tendance est la même d'année en année. © Quentin Mauguit/Futura-Sciences (d’après les données transmises par la douane)

    Les animaux saisis en 2010 appartiennent à plusieurs grands groupes. Les retrouver vivants relève parfois du miracle. Certains passent plusieurs jours dans des boîtes trop hermétiques et meurent par asphyxie, inanition ou déshydratation. Les valeurs 2010 n'ont pas été confirmées officiellement. Quoi qu'il en soit, la tendance est la même d'année en année. © Quentin Mauguit/Futura-Sciences (d’après les données transmises par la douane)

    Les fraudeurs : eux, vous et… moi

    Alors que la presse fait régulièrement état de ce trafic, il est préjudiciable de constater que le nombre d'infractions en 2010 a augmenté de 29 % par rapport à 2009.

    Un agent de la douane nous a confié qu'il n'y a pas de profil type pour les fraudeurs. Certains ont fait du trafic des animaux un business tandis que d'autres y participent involontairement...

    Des touristes ayant acheté des souvenirs ou ramassé des coquillages sur la plage peuvent en effet, sans le savoir, circuler avec des espèces protégées. Ils risquent alors une mauvaise surprise une fois de retour en France : une saisie de l'objet (ou de l'animal) et une amende s'élevant à deux fois sa valeur. Pour d'autres, le trafic d'animaux est un commerce lucratif. Pour traverser les frontières, les techniques sont variées. Certains mettent les animaux dans leurs valises ou leurs sacs à dosdos. En 2010, un passager néerlandais plus imaginatif a été contrôlé en Guyane. Les agents des douanes ont trouvé 16 colibris cachés dans un short spécialement adapté.

    Ces deux cas représentent des situations extrêmes. Le plus souvent, explique un agent des douanes, les animaux circulent sous de fausses identités. Les documents les accompagnant sont simplement falsifiés.

    Cette photographie a été prise durant une saisie des services de la douane. Ce reptile est protégé par la Cites. Son commerce est soit interdit si son espèce est classée dans l'annexe 1 de la convention de Washington, soit très fortement contrôlée si elle appartient à l'annexe 2. © Marc Bonodot, douane française

    Cette photographie a été prise durant une saisie des services de la douane. Ce reptile est protégé par la Cites. Son commerce est soit interdit si son espèce est classée dans l'annexe 1 de la convention de Washington, soit très fortement contrôlée si elle appartient à l'annexe 2. © Marc Bonodot, douane française  

    Le service des douanes en action

    Les agents de la douane sont spécialement formés pour repérer ce genre de trafic et la majorité des saisies se fait dans les aéroports. Roissy-CDG, le premier d'entre eux pour le fret de France, abrite une équipe spécialisée dans le commerce illégal des espèces protégées. Une fois saisis, les animaux vivants sont soit renvoyés dans leur pays d'origine, après avoir été examinés par les services vétérinairesvétérinaires, soit donnés à des associations ou à des zoos français. En février 2010, 25 tortues protégées appartenant à l'espèce Kinixys belliana ne pouvant sortir du Togo ont ainsi été renvoyées dans leur pays d'origine. Deux singes magots saisis en août 2008 ont quant à eux été confiés aux soins de l'espace zoologique de Saint-Martin-La-Plaine, où ils ont rejoint plus d'une centaine de leurs congénères, eux aussi arrivés illégalement en France et abandonnés par leurs propriétaires.

    En France, les services de la douane ont établi depuis plusieurs années des plans d'action nationaux pour lutter contre le trafic des espèces inscrites sur les listes de la Cites. Une convention a été signée avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (notamment impliqué dans la lutte antibraconnage) en septembre 2011. Cet accord prévoit des échanges entre les deux services, des collaborations opérationnelles et des formations conjointes sur les sujets ayant trait à la Cites.

    Les services de la douane jouent aussi un rôle à l'international. Ils participent à des plans d'action dirigés entre autres par l'Organisation mondiale des douanes (projet Gapin visant à lutter contre le trafic des grands singes et de l'ivoire) ou Interpol (projet Ramp luttant contre le commerce illicite d'amphibiensamphibiens et de reptiles).

    Le trafic des animaux est un fléau mondial qui fragilise de nombreux écosystèmesécosystèmes et espèces. La France n'échappe pas au phénomène. Même avec des moyens pour limiter ce commerce illégal, l'effort ne semble pas toujours suffisant. Espérons que l'année 2011 ne sera pas celle de tous les records comme le laisseraient supposer les chiffres du trafic de l'ivoire.