Présentés un temps comme une alternative au pétrole pour les transports, les biocarburants ont de plus en plus de mal à tenir leurs promesses. Dernière déception en date, l’éthanol produit à base de maïs. Des scientifiques américains viennent en effet de démontrer qu’en intégrant les émissions indirectes produites par de nouvelles cultures de maïs, le bioéthanol perd une grande part de son intérêt.

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    L’extension des cultures de maïs pour assouvir les besoins en bioéthanol des Etats-Unis pourrait bien ne présenter aucun intérêt dans la lutte contre le réchauffement climatique. © Rhian vK CC by

    L’extension des cultures de maïs pour assouvir les besoins en bioéthanol des Etats-Unis pourrait bien ne présenter aucun intérêt dans la lutte contre le réchauffement climatique. © Rhian vK CC by

    Alors qu'un programme des Etats-Unis impulsait en 2007 une politique de développement important des biocarburants, les études sur le cycle de vie et les émissionsémissions indirectes de dioxyde de carbone minimisent l'intérêt de ces carburants vis-à-vis de l'effet de serre.

    Dans leurs travaux publiés dans la revue Nature BioScience, l'équipe de Thomas Hertel de la Purdue University démontre que l'accroissement de la production de maïsmaïs pour produire plus de bioéthanol pourrait entraîner l'augmentation des émissions de CO2.

    En effet, les projections réalisées montrent que les bénéfices de l'éthanol à base de maïs seraient annulés par les émissions indirectes provoquées par le changement d'utilisation des sols. Comme l'effet des gaz à effet de serre (GES) est global, ces émissions indirectes doivent être intégrées quels que soient leurs lieux d'émission pour déterminer si le bioéthanol produit vraiment moins de GES qu'un carburant fossile.

    Or la conversion des terresterres à la culture céréalière, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde provoque deux phénomènes qui augmentent la concentration de l'atmosphèreatmosphère en dioxyde de carbone. Tout d'abord, l'intensification de l'agricultureagriculture (travail de la terre, fertilisation, récolte, etc.) produit plus de CO2 que l'exploitation d'une prairie ou d'une forêt.

    Ensuite, la disparition des prairies et des forêts, qui piègent le carbone dans les sols, réduit les capacités de stockage des puits de carbone continentaux et provoque en général le relargagerelargage de plus de 90% du CO2 stocké par décomposition ou combustioncombustion de la matièrematière organique.

    La transformation des prairies et forêts en cultures provoquent des émissions indirectes de gaz à effet de serre qui doivent être intégrés au bilan carbone des biocarburants pour juger de leur intensité carbone (quantité de carbone émise par unité d’énergie). © John Evans CC by-sa

    La transformation des prairies et forêts en cultures provoquent des émissions indirectes de gaz à effet de serre qui doivent être intégrés au bilan carbone des biocarburants pour juger de leur intensité carbone (quantité de carbone émise par unité d’énergie). © John Evans CC by-sa

    Les projections de Thomas Hertel, réalisées à partir d'analyses de données sur l'écologieécologie, le commerce mondial des matières premières et le modèle GTAP-BIO sur le commerce, chiffrent ces émissions indirectes à 800 grammes de CO2 par mégajoule (gCO2/MJ) d'énergieénergie produite. Si l'on considère que les terres sont cultivées en maïs pendant 30 ans, cela porteporte les émissions indirectes du bioéthanol à 27 gCO2/MJ par an. Dans l'hypothèse d'une production alimentaire constante, ces émissions monteraient à 1.127 gCO2/MJ, soit 37,6 gCO2/MJ par an.

    Ces chiffres sont à rapprocher de ceux de Timothy Searchinger de l'Université de Princeton. En 2008, son équipe de recherche avait estimé que les émissions dues à la conversion des sols en cultures céréalières s'élevaient à 104 gCO2/MJ.

    Bien que l'hypothèse basse (27 gCO2/MJ par an) ne représente qu'un quart de cette première estimation, le bilan carbonebilan carbone de ce type de biocarburant reste pénalisant.

    Un biocarburant qui rejette presque autant de CO2 que l'essence

    Le cumul des émissions directes et indirectes varient entre 87 et 92 gCO2/MJ, tandis que l'essence en émet en moyenne 96. A supposer que le taux d'éthanol incorporé à l'essence soit doublé et passe à 20%, il faudrait que les émissions globales du bioéthanol soient de 46 gCO2/MJ au maximum, autrement dit près de deux fois moins, pour respecter les exigences définie par la réglementation californienne (86 gCO2/MJ). Les émissions globales du bioéthanol sont donc excessives.

    Il faut noter en outre que la notion de duréedurée est un point important, car une grande partie des émissions indirectes se produit lors du d'affectation du sol. Si les cultures énergétiques sont maintenues longtemps sur les terres reconvertis, l'effet des émissions indirectes se réduit et finit par être compensé par la réduction des émissions directes. En revanche, si les cultures de maïs ne persistent que 20 ans avant d'être remplacées par autre chose, les émissions indirectes annuellesannuelles augmentent de 50%.

    Les chercheurs estiment donc que le recours à l'éthanol produit à partir de nouvelles cultures de maïs ne pourra respecter les exigences réglementaires, en particulier californiennes, en matière de bilan carbone des carburants. Selon les chercheurs, seuls des changements techniques ou économiques importants modifieraient les résultats de leurs projections.