Les premiers navigateurs européens sont arrivés en Amazonie au XVIe siècle. Ils ont alors découvert un continent propice à leurs rêves de gloire et de conquêtes. Mais à quoi pouvait bien ressembler cette région avant leur venue ? Une chose est sûre, elle n’a pas eu à souffrir de la présence des civilisations précolombiennes...

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    La forêt amazonienne, qui recouvre une surface de 5,5 millions de km2, se partage entre 9 pays : le Brésil, la Colombie, le Pérou, la Bolivie, le Vénézuela, l'Équateur, le Suriname, la Guyana et la Guyane. © CIFOR, Flickr, cc by-nc-nd 2.0

    La forêt amazonienne, qui recouvre une surface de 5,5 millions de km2, se partage entre 9 pays : le Brésil, la Colombie, le Pérou, la Bolivie, le Vénézuela, l'Équateur, le Suriname, la Guyana et la Guyane. © CIFOR, Flickr, cc by-nc-nd 2.0

    L'Amazonie abrite une biodiversité floristique et faunistique exceptionnelle. Sa découverte par les Européens remonte à la seconde moitié du XVIe siècle. La région aurait alors été explorée par l'ouest. En effet, les conditions de navigation sur le fleuve Amazone (courant puissant, hauts fonds, etc.) ne se prêtaient pas à une exploration au départ de son embouchure située à l'est du continent. L'arrivée des premiers explorateurs avides de gloire et de conquêtes a probablement modifié les paysages de l'époque. Mais comment étaient-ils avant le XVIe siècle ?

    La réponse à cette question est importante car elle permettrait de mieux comprendre cet écosystème. Si l'ouest de l'Amazonie était occupé par de grandes villes précolombiennes, il est probable que des agriculteurs aient détruit d'énormes surfaces de forêts pour installer leurs cultures, notamment par la technique des brûlis, et ce peut-être pendant des siècles. La biodiversité observée actuellement aurait alors été conditionnée par des activités anthropiques. Au contraire, si la région était occupée par des bandes nomades, toute la forêt de ce territoire peut être alors considérée comme étant primaire. La communauté scientifique est relativement divisée à ce sujet, surtout depuis la découverte dans les années 1990 de restes de grandes villes dans l'est de l'Amazonie.

    Une étude publiée dans la revue Science lève une partie du voile. Crystal McMichael, du Florida Institute of Technology (FIT), vient en effet de sillonner un territoire de 3 millions de km² en avion, bateau et camion pour récolter des échantillons de terre et analyser l'historique de la région. Ses conclusions sont claires : l'Amazonie de l'ouest était peuplée, avant l'arrivée des Européens, par des groupes constitués de peu d'individus et qui obtenaient leur nourriture sans défricher ni brûler de larges terrains.

    Les chercheurs ont réalisé des carottages (en bas à gauche) pour étudier l'impact de l'Homme sur la forêt dans l'ouest de l'Amazonie (paysage de droite) au cours de l'histoire. Dolores Piperno a notamment focalisé son attention sur les phytolithes contenus dans les échantillons (en haut à gauche). Ces structures proviennent de la biominéralisation et de l'accumulation de minéraux présents en trop grandes quantités dans les végétaux. Ils se composent d'oxalate de calcium (CaC<sub>2</sub>O<sub>4</sub>) et de silice (SiO<sub>2</sub>). © Crystal McMichael et Dolores Piperno

    Les chercheurs ont réalisé des carottages (en bas à gauche) pour étudier l'impact de l'Homme sur la forêt dans l'ouest de l'Amazonie (paysage de droite) au cours de l'histoire. Dolores Piperno a notamment focalisé son attention sur les phytolithes contenus dans les échantillons (en haut à gauche). Ces structures proviennent de la biominéralisation et de l'accumulation de minéraux présents en trop grandes quantités dans les végétaux. Ils se composent d'oxalate de calcium (CaC2O4) et de silice (SiO2). © Crystal McMichael et Dolores Piperno

    Des chausseurs-cueilleurs vivant au bord de l’eau

    Plus de 247 carottages ont été effectués en 55 sites différents, d'une part en des lieux occupés par des populations précolombiennes en bordure de cours d'eau et d'autre part à l'intérieur même des forêts, loin de tous sites habités par le passé. Des traces de charbon de boisbois ont été recherchées à l'intérieur des prélèvements. Leur présence témoigne de l'utilisation de la technique du brûlis car la forêt amazonienne prend rarement feu naturellement. Dolores Piperno, du Smithsonian Institute, a également réalisé des études de phytolithesphytolithes, des microfossilesmicrofossiles micrométriques de cellules végétales qui, grâce à leurs formes, peuvent être utilisés pour déterminer les végétaux qui les ont produits.

    Des traces de charbon de bois, de phytolithes de plantes brûlées et plantes colonisatrices ont été trouvées en bordure des rivières, sur de petites surfaces. Cependant, aucun phytolithe appartenant à une essence végétale produite en culture n'a été observée. Les rives des cours d’eau ont par endroit été brûlées, mais elles n'étaient pas occupées par des fermiers. Rien d'intéressant n'a été trouvé à l'intérieur des terres hormis quelques infimes traces de charbon. Les Hommes de l'époque vivaient donc plus que probablement le long des courslong des cours d'eau, mais ne réalisaient pas de culture. Ce résultat pourrait signifier qu'ils se déplaçaient régulièrement. Ils étaient probablement des chasseurs-cueilleurschasseurs-cueilleurs.

    Ce résultat est cohérent avec plusieurs autres données archéologiques. Les Hommes de l'époque possédaient par exemple des haches en pierre (ce sont les Européens qui amenèrent les outils métalliques). Il est difficile de les imaginer coupant des hectares de forêt avec cet outil rudimentaire, puisqu'ils n'utilisaient pas le feufeu. Une expérience menée dans les années 1970 a montré qu'il fallait en moyenne 115 heures pour abattre un arbrearbre (dont les dimensions ne sont pas précisées) avec des outils en pierre. Il semble donc que l'Amazonie n'ait pas eu à trop souffrir de la présence des Hommes avant l'arrivée des premiers navigateursnavigateurs en provenance du Vieux Continent.