Aujourd’hui, la cartographie des fonds marins est principalement réalisée par altimétrie satellite, méthode qui permet d’avoir une couverture globale de tous les océans de la Planète. Mais on oublie le travail titanesque qui a été nécessaire à l’élaboration des premières cartes dans les années 1950. À l’œuvre, une femme : Marie Tharp.


au sommaire


    Savoir cartographier avec précision les fonds marins est nécessaire à la compréhension de tous les aspects de la dynamique océanique. Les premières cartes du relief marin et de la bathymétrie ont notamment permis d'affiner la théorie de la tectonique des plaques et les connaissances sur les courants océaniques par exemple. Elles sont également très importantes pour les activités économiques et industrielles comme la prospection pétrolière ou les activités de pêche.

    Marie Tharp, cartographe et géologue

    Mais, dans les années 1950, les ordinateursordinateurs n'existaient pas, et les satellites encore moins. Les premières cartes des fonds océaniques ont dû être faites à la main. C'est Marie Tharp qui s'est attelée à la tâche. Née en 1920 dans le Michigan, aux États-Unis, cette jeune femme a, dès son enfance, été sensibilisée à la cartographie. Accompagnant son père, chargé de cartographier des terrains pour le compte du Département de l'Agriculture et des Sols américain, elle apprend à ses côtés toutes les techniques de base.

    Voir aussi

    Premières cartes détaillées de Zealandia, le continent retrouvé

    Profitant de l'ouverture des universités aux femmes pendant la Seconde Guerre mondiale en raison du manque d'étudiants masculins, elle suit des études de géologie, se spécialisant progressivement dans le domaine de la cartographie géologique. Elle atterrit en 1948 au département de géologie de la ColumbiaColumbia University à New York, mais être une femme en sciences à cette époque n'est pas évident. Elle ne réussit à obtenir que des postes d'assistante, les postes de chercheurs étant réservés aux hommes. Elle s'associe alors avec le géologuegéologue Bruce Heezen, dont l'occupation première est de collecter des données océanographiques. N'étant pas autorisée à participer aux missions en mer, Marie Tharp s'acquitte de sa tâche : l'analyse des données recueillies par le géologue.

    Marie Tharp au travail. © Granger Collection
    Marie Tharp au travail. © Granger Collection

    Premières cartes et renforcement de la théorie de l’expansion des fonds océaniques

    Les données qu'elle reçoit sont issues de sondages écho, qui permettent de déterminer la profondeur de l'eau par transmission des ondes acoustiquesondes acoustiques dans l'eau, acquis par bateau. Après avoir effectué une conversion en profondeur, Marie Tharp obtient des profils 2D du relief sous-marin. Ces profils mettent en évidence une grande ride courant sur le fond océanique, en plein milieu de l'océan Atlantique. Il s'agit de la dorsale médio-atlantique, déjà connue à l'époque.

    Voir aussi

    Cassini : la grande aventure de la Carte de France au XVIIIe siècle

    Mais Marie Tharp remarque l'existence d'une vallée axialeaxiale, qu'elle suppose être le centre d'accrétionaccrétion de la nouvelle croûte océanique. L'idée de l'expansion des fonds océaniques, à la base de la théorie de la tectonique des plaques, est alors largement controversée aux États-Unis, même si elle gagne du terrain en Europe. Beaucoup de scientifiques, comme Heezen, la considèrent comme une hérésie. Pourtant, Marie Tharp y adhère totalement. Cela lui prendra un an pour convaincre Heezen que ce qu'elle a identifié sur les profils est le riftrift axialaxial où a lieu l’accrétion océanique.

    L’idée de l’expansion des fonds océanique, à la base de la théorie de la tectonique des plaques, est alors largement controversée aux États-Unis

    Il lui faudra encore deux années pour terminer la première carte de l'Atlantique Nord, en 1957. Pour la générer, elle sera obligée d'interpréter et d'extrapoler les données entre les profils 2D, très espacés, faisant appel à ses connaissances poussées en géologie et à son intuition. Le tracé de la dorsale est notamment affiné entre les profils grâce aux épicentresépicentres des séismesséismes qui concordent exactement avec la vallée axiale, renforçant encore l'idée qu'il s'agit de l'endroit où les plaques se forment et s'écartent.

    Au lieu d'utiliser des lignes marquant les isobathesisobathes (courbes de niveau de même profondeur), Tharp et Heezen choisissent un nouveau stylestyle cartographique pour leurs cartes, appelé diagramme physiographique. Il s'agit d'une représentation 3D du relief, généralement utilisée pour représenter la topographie des paysages continentaux. La carte finale est remarquablement précise et facile à lire. Les deux scientifiques ont ensuite continué à cartographier les différents océans, mettant en évidence le réseau de dorsales long de plus 60.000 kilomètres à travers le globe. En 1977, au bout de quatre ans de travail, ils finalisent une carte complète des océans du globe.

    Cartographie des fonds océaniques réalisée par Marie Tharp, Bruce Heezen et Heinrich Berann en 1977. © Berann, Heezen, Tharp,<em> Library of Congress</em>
    Cartographie des fonds océaniques réalisée par Marie Tharp, Bruce Heezen et Heinrich Berann en 1977. © Berann, Heezen, Tharp, Library of Congress

    Les cartes réalisées par Marie Tharp et Bruce Heezen ont été largement diffusées et ont permis au grand public de découvrir les reliefs cachés au fonds des océans. Elles auront notamment permis de renforcer les arguments en faveur de la théorie de la tectonique des plaques et servis de support aux scientifiques pour mieux comprendre la dynamique des fonds océaniques.

    Voir aussi

    Les représentations de l'Afrique, de l'Antiquité au XIXe siècle