L’empreinte humaine est décelée dans les océans. L’émission massive de dioxyde de carbone dans l’atmosphère acidifie les océans et menace la faune marine. Une nouvelle étude montre que dans l’océan Austral les coquilles des coraux et mollusques se dissolvent. Les membres de l’étude prévoient une diminution drastique de ces organismes d’ici 2050.

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    L’aragonite est une espèce minérale de la famille des carbonates de formule CaCO3. Elle joue un rôle majeur dans le cycle du carbone, elle devient soluble dans l'océan au-delà d'une certaine acidité de l'eau. © Didier Descouens, Wikipédia, GNU 1.2

    L’aragonite est une espèce minérale de la famille des carbonates de formule CaCO3. Elle joue un rôle majeur dans le cycle du carbone, elle devient soluble dans l'océan au-delà d'une certaine acidité de l'eau. © Didier Descouens, Wikipédia, GNU 1.2

    Le rôle du gaz carboniquegaz carbonique (CO2) sur le réchauffement atmosphérique est souvent mis en exergue. Ce gaz influe pourtant en outre sur la santé des océans et l'écosystème marin. Le réservoir océanique est le principal puits de carbone, il en absorbe naturellement 38.000 gigatonnes (GT). Toutefois depuis l'émissionémission massive de gaz carbonique anthropique, les océans absorbent 3 GT de carbonecarbone de plus et, en conséquence, s'acidifient. Il semblerait que l'impact de l'acidification soit déjà significatif. 

    Dans l'océan Austral, les coquilles de petits escargots marins se dissolvent. C'est une des premières preuves de l'impact de l'acidification des océans. Une équipe de recherche anglo-américaine, vient de publier ses observations dans le journal Nature Geoscience. En 2008, Geraint Tarling, du British Antarctic Survey, capturait des ptéropodes de l'océan Austral : l'analyse au microscope électroniquemicroscope électronique révèle des traces de corrosioncorrosion anormales sur les couches extérieures de leur coquille.    

    L'acidification des océans aurait atteint en 2012 un record inégalé depuis 300 millions d'années. Une partie du CO2, libérée massivement dans l'atmosphère se dissout dans les océans où il est transformé en acide carboniqueacide carbonique (H2CO3), en ionsions hydrogénocarbonates (HCO3-) et en ions carbonates (CO32-). L'augmentation du gaz carbonique entraîne plus d'acide carbonique et plus d'ions hydrogèneshydrogènes. Ceux-ci réagissent avec les ions carbonates, rendant impossible la formation de carbonate de calcium. Élément pourtant essentiel à la constructionconstruction des coquilles des coraux et mollusques.

    La coquille de l'escargot marin de l'océan Austral, <em>Limacina helicina antarctica</em>, est majoritairement constituée d'aragonite, dont l'acidification des océans érode les couches supérieures. © S. Comeau, G. Gorsky, R. Jeffree, J.-L. Teyssié &amp; J.-P. Gattuso, Wikipédia, cc by 3.0

    La coquille de l'escargot marin de l'océan Austral, Limacina helicina antarctica, est majoritairement constituée d'aragonite, dont l'acidification des océans érode les couches supérieures. © S. Comeau, G. Gorsky, R. Jeffree, J.-L. Teyssié & J.-P. Gattuso, Wikipédia, cc by 3.0 

    « Il est préoccupant de constater qu’on observe déjà les effets de l’acidification des océans »

    Les animaux les plus vulnérables sont ceux qui fabriquent leur coquille d’aragonite, une forme de carbonate de calcium très sensible à l'acidification. Elle devient en effet soluble au-delà d'une certaine acidité et les coquilles déjà formées peuvent se déliter et tuer les animaux qu'elles protègent. L'équipe de recherche s'est rendue dans l'océan Austral, près de Georgia Sud où les eaux profondes remontent à la surface. Cette eau est naturellement faible en aragonitearagonite, c'est donc normal que les eaux de surfaces en soient faibles. L'acidification des océans risque de faire disparaître entièrement l'aragonite. 

    Selon cette étude, d'ici 2050, il y aura une importante diminution d'aragonite dans la plupart des océans. « Le seul moyen d'arrêter l'acidification des océans est de réduire nos émissions de CO2 » explique Toby Tyrrell, du centre océanographique de Southampton, en Angleterre. « On nous a suggéré d'ajouter des mégatonnes de chauxchaux dans l'océan pour équilibrer l'acidité supplémentaire » ajoute-t-il.  Mais là n'est pas la solution miracle : les quantités de chaux et le prix exorbitant d'une telle entreprise rendent l'idée impraticable à l'échelle des océans.