Un groupe de chercheurs français, belges et allemands a réussi un tour de force dans le domaine de la biologie synthétique. Ils sont parvenus à faire évoluer des bactéries de sorte que l’une des bases de leur ADN ne soit plus l’une de celles ordinairement rencontrées chez des organismes vivants.

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    Une molécule d'uracile et sa variante, utilisée par les chercheurs et représentée en bas sur ce schéma. L'atome de chlore est indiqué en rouge. © John Wiley & Sons

    Une molécule d'uracile et sa variante, utilisée par les chercheurs et représentée en bas sur ce schéma. L'atome de chlore est indiqué en rouge. © John Wiley & Sons

    Cela fait au moins un siècle que les biologistes ont en vue la notion de biologie synthétique. Le terme lui-même semble remonter aux années 1910 et 1912, quand le biologiste français Stéphane Leduc (1853-1939) a publié deux ouvrages intitulés Théorie physico-chimique de la vie et générations spontanées (1910)  et La biologie synthétique (1912). Une des ambitions au cœur de la biologie synthétique n'est donc rien de moins que de synthétiser entièrement des cellules vivantes à partir de la matière inerte. 

    On en est encore loin mais depuis la découverte de l'ADN et l'investigation de sa physique, ce rêve n'est probablement pas aussi insensé que celui des alchimistes. De fait, différents laboratoires de par le monde sont en train de réussir certaines étapes conduisant à synthétiser des éléments des cellules vivantes.

    L'un des objectifs de la biologie synthétique n'est pas seulement d'arriver à reproduire des formes de vie connues mais aussi d'en produire des nouvelles, par exemples basées sur un code génétiquecode génétique différent. À cet égard, la publication que vient de faire un groupe de chercheurs de l'Institut für Biologie (Freie Universität, Berlin), du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et de la Katholieke Universiteit (Leuven) est intéressante.

    Une illustration de la théorie de l'évolution

    Mené par Rupert Mutzel et Philippe Marlière, ce groupe de biologistes a forcé des Escherichia coli, bactériesbactéries célèbres, à remplacer la thyminethymine (T), une des bases azotéesbases azotées de leur ADNADN, par un chrolrure d'uracileuracile, un dérivé d'une des bases azotées de l'ARNARN. Ce chlorure est en général mortel pour les organismes vivants, à moins qu'il ne soit présent en faible dose.

    Les chercheurs ont commencé par mettre en culture ces bactéries dans un milieu contenant ce composant en très faible quantité puis ont sélectionné les bactéries les plus résistantes. L'opération a été répétée plusieurs fois en augmentant à chaque fois la quantité du chlorure d'uracile dans le milieu de culture. La pression évolutive a ainsi été maintenue sur les populations de bactéries pendant 1.000 générations. Au final, ce sont des Escherichia coliEscherichia coli dans lesquelles toutes les bases T de l'ADN ont été remplacées par des chlorures d'uracile qui ont été obtenues.

    Une analyse de l'ADN de ces bactéries a révélé que de nombreuses mutations étaient intervenues, vraisemblablement pour permettre à l'organisme de s'adapter à son nouveau code génétique. On ne peut s'empêcher de penser aux récentes affirmations concernant la découverte d'autres bactéries, qui seraient capables, elles, de remplacer leur phosphore (un des atomes de l'ADN et de l'ARN) par de l'arsenic.