Alors qu’un gel qui semblait prometteur vient d'échouer durant les dernières phases de test, la sexologue Catherine Solano évoque avec nous la quête du médicament miracle pour le plaisir féminin. Une version pour femmes du Viagra s'impose-t-elle dans les plus brefs délais ?

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    Le Viagra est aussi actif pour les femmes. Chez les hommes, il empêche la destruction du monoxyde d'azote impliqué dans le maintien en érection. Depuis juin dernier, le brevet d'exclusivité est tombé. Des pilules génériques sont désormais autorisées à s'attaquer au marché. © SElefant, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Le Viagra est aussi actif pour les femmes. Chez les hommes, il empêche la destruction du monoxyde d'azote impliqué dans le maintien en érection. Depuis juin dernier, le brevet d'exclusivité est tombé. Des pilules génériques sont désormais autorisées à s'attaquer au marché. © SElefant, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Cela pourrait paraître injuste. Les hommes souffrant de pannes sexuelles se voient offrir une solution à leurs problèmes érectiles grâce au Viagra tandis qu'on n'a pas trouvé la pilule magique pour les femmes. Pourtant, ce ne sont pas les intentions qui manquent. Dernièrement, c'est le LibiGel du laboratoire BioSanté qui vient d'abandonner la course à l'aphrodisiaque lors des ultimes phases de tests. La raison ? Ce gelgel à base de testostérone n'était pas plus efficace qu'un placebo.

    Ce n'est pas le premier à abandonner en cours de route. Les laboratoires Boehringer-Ingelheim avaient déjà voulu commercialiser la flibansérine, une moléculemolécule soi-disant miracle. Issue de l'universunivers des antidépresseurs, elle n'avait pas fait ses preuves... pour traiter la dépression mais on avait remarqué chez elle des propriétés aphrodisiaques. Les tests menés montraient effectivement une légère augmentation du désir, mais la FDA n'a pas jugé cela assez convaincant. Au suivant !

    Où en est-on aujourd'hui dans la conception d'un médicament contre l'inhibition de la libido ? La célèbre sexologue Catherine Solano va nous amener quelques éléments de réponse.

    Catherine Solano est sexologue et journaliste santé. Elle est également l'auteure de nombreux ouvrages dont le dernier en date s'intitule <em><a href="http://www.amazon.fr/m%C3%A9canique-sexuelle-hommes-Catherine-Solano/dp/222112314X" title="La mécanique sexuelle des hommes" target="_blank">La mécanique sexuelle des hommes</a></em>. © DR

    Catherine Solano est sexologue et journaliste santé. Elle est également l'auteure de nombreux ouvrages dont le dernier en date s'intitule La mécanique sexuelle des hommes. © DR

    Le LibiGel probablement pas assez dosé

    Tout d'abord, pourquoi le LibiGel n'a-t-il pas franchi les derniers obstacles ? On sait pourtant que la testostérone a des propriétés aphrodisiaques, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. « Il existe effectivement un médicament nommé Intrinsa qui utilise l'hormonehormone sexuelle mâle pour faire renaître le désir. Mais il n'est prescrit qu'aux femmes ayant subi une ovariectomieovariectomie ablationablation des ovairesovaires] car elles ont alors des déficits hormonaux que l'on peut parfois compenser. Mais à un tel dosagedosage chez une femme sans problème, des effets secondaires apparaissent : des caractères sexuels masculins se manifestent (augmentation de la pilosité, acnéacné, voix rauque, peau grasse...). Alors à quoi bon vouloir attiser le désir chez une dame si personne ne veut de la femme à barbe ? »

    Dans les tests cliniques du LibiGel, aucun signe de virilité anormalement importante n'a été déclaré. Autrement dit, le dosage devait être beaucoup moins important. « Probablement d'ailleurs qu'il n'était pas assez fort pour stimuler réellement la libido... »

    Une femme sur deux connaîtrait des dysfonctionnements sexuels

    Cette quête du plaisir semble devenir une priorité pour certains laboratoires, qui affirment que 45 % des femmes souffriraient de troubles sexuels. Des chiffres énormes attestant de l'urgence de mettre au point un médicament équivalent au Viagra masculin pour redonner à ces dames les moyens et l'envie de faire l'amour. « Cela n'a aucun sens ! s'exclame la sexologue. Dans quel monde près d'une femme sur deux serait malade ? Je pense plutôt que notre société est trop sexualisée, et l'on nous rappelle sans cesse que l'on devrait être en état de désir. »

    « Pour moi, le problème vient d'ailleurs. Par exemple, les hommes ont, en général, plus d'envies que leurs compagnes. Sans oublier que la pilule contraceptivepilule contraceptive induit parfois des troubles du désir. Alors les laboratoires cherchent à doper la libido des femmes. Mais pourquoi ne pas créer un médicament pour inhiber l'appétit sexuel des hommes ? »

    Pendant l'orgasme d'une femme, le cerveau s'illumine si on le regarde par IRM. Les zones les plus claires correspondent aux zones les plus actives tandis que les plus rouges sont les moins irriguées par le sang. © Barry R. Komisarul <em>et al.</em> / Youtube

    Pendant l'orgasme d'une femme, le cerveau s'illumine si on le regarde par IRM. Les zones les plus claires correspondent aux zones les plus actives tandis que les plus rouges sont les moins irriguées par le sang. © Barry R. Komisarul et al. / Youtube

    Le Viagra fonctionne aussi pour les femmes !

    Si les dames ne sont pas autant atteintes que ce que les laboratoires veulent nous faire croire, quelques-unes, tout de même, souhaiteraient retrouver un peu d'envie et de plaisir dans l'acte sexuel. Quelles solutions leur proposer alors ?

    « S'il n'y a pas de médicament spécifiquement réservé aux femmes sur le marché, les études ont montré que le sildénafil, la molécule active du Viagra, était également efficace pour la gent féminine. La mécanique est stimulée, le vagin se lubrifie, mais les femmes ont avoué ne pas forcément percevoir cette stimulationstimulation de leur excitation sexuelle. Il y a donc une différence entre les observations physiologiques et le ressenti psychologique. »

    « Pour celles qui cherchent juste l'orgasmeorgasme, elles le trouveront facilement grâce aux sex-toys. Cependant il existe une contrepartie lorsqu'une femme les utilise très souvent. Bien souvent, l'accès à la jouissance lors d'une relation sexuelle devient plus difficile. Mais est-ce vraiment l'orgasme que l'on cherche ? Le but d'un rapport, c'est de se rapprocher de l'autre. Pas d'accéder au plaisir extrême à tout prix. » Si on dit que l'amour c'est mieux à deux, c'est que la composante mécanique ne suffit pas. Il s'agit d'un tout, qui commence au moment de la montée du désir et qui se termine lorsque celui-ci redescend. Sauf cas pathologiquepathologique, cette soif de l'autre n'est-elle pas plus belle lorsqu'elle est naturelle ?