Sous l’impulsion de chercheurs français, des scientifiques du monde entier se sont livrés à un concours original et novateur : le championnat du monde de course de cellules. Cette première édition a été remportée par Singapour. Au-delà de l’aspect ludique, l’idée est de mieux cerner la mobilité cellulaire, un phénomène mal connu mais important, par exemple dans la croissance des métastases.

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    On savait la compétition prégnante en sciences, mais elle vient de prendre une nouvelle forme. Grâce à l'idée de trois chercheurs français, que sont le Grenoblois Manuel Théry de l'Institut de recherche en technologies et sciences pour le vivant (IRTSV), Matthieu Piel et Ana-Maria Lennon-Duménil (Institut Curie à Paris), une cinquantaine de groupes de recherche ont envoyé sur la piste spécialement conçue pour l'événement (non pas en Tartan mais en fibronectine, un dimère naturel sur lequel les cellules adhèrent) des athlètes d'un genre nouveau : des cellules !

    Six arènesarènes accueillaient cette aventure, réparties sur trois continents : les laboratoires de Grenoble, Londres, Harvard et Singapour. Les pistes consistaient en une ligne droite de 400 µm de longueur et les exploits étaient filmés par des caméras adaptées à cette échelle de taille durant 24 heures. Pour avancer, la cellule vient se fixer sur la fibronectine à l'avant, puis elle se lance dans un mouvementmouvement de contraction suivi d'une expansion lui permettant d'aller s'accrocher un peu plus loin sur la piste.

    Des cellules sprinteuses à 0,3 mm/heure de moyenne !

    Les résultats officiels ont été délivrés durant le 51e congrès de la Société américaine de biologie cellulaire le 3 décembre dernier, et la première place est revenue à l'équipe de Yuchun Liu, de l'université de Singapour. Leur cellule souche de moelle osseuse humaine a battu les records de vitessevitesse en complétant le parcours en approximativement 75 minutes. Ce qui traduit une moyenne de 5,2 µm par minute, soit 0,3 mm par heure.

    Sur les deuxième et troisième marches du podium, on trouve les cellules d'Odile Filhol-Cochet, chercheuse à l'IRTSV de Grenoble, avec deux lignées de cellules épithéliales du sein. La plus rapide des deux (3,2 µm/minute) était de type sauvage quand la seconde (2,7 µm/minute) portait deux mutations - l'une sur la caséine kinase 2 et l'autre induisait une suractivation du gène Ras, oncogène bien connu.

    Les cellules embryonnaires vont petit à petit migrer pour se positionner là où elles doivent être. © DR

    Les cellules embryonnaires vont petit à petit migrer pour se positionner là où elles doivent être. © DR

    Mesurer les migrations cellulaires : un oubli de la biologie

    Mais à quoi cela peut-il bien servir ? Les chercheurs français à l'origine du projet expliquent que l'idée leur est venue lorsqu'ils ont constaté durant ce même congrès l'an passé l'intérêt que suscitaient les phénomènes de migration cellulaire. On les retrouve effectivement dans la croissance tumorale et les métastasesmétastases, lors de l'embryogenèseembryogenèse ou bien dans certaines cellules du système immunitaire.

    De manière étonnante, personne n'avait jamais référencé les vitesses de migrations des cellules en fonction de leur origine tissulaire ou du nombre de mutations. De plus, selon Manuel Théry, il s'agissait en fait « de mêler le plaisir d'un événement sportif scientifique avec les recherches sérieuses montrant comment la vitesse de migration reflète la nature cellulaire ».

    L'équipe des vainqueurs a pu repartir avec une caméra et bien évidemment une médaille d'or du championnat du monde de la course de cellules. Cette première édition en augure de nouvelles chaque année, et les créateurs espèrent même ajouter quelques épreuves au fur et à mesure. À commencer par une compétition de natation chez les cellules ciliéescellules ciliées !