Alors que le phénomène de disparition des abeilles semblait épargner le Japon, c’est un effondrement de 50% du nombre de colonies qui vient d’y être constaté.

au sommaire


    Détectée pour la première fois aux Etats-Unis en 2006, le phénomène appelé syndrome d'effondrementeffondrement des colonies semble faire suite à la réduction la réduction inhabituelle du nombre d'insectesinsectes pollinisateurs (car guêpes et bourdons sont aussi affectés). Comme une pandémie, il s'est rapidement étendu en Europe puis à Taiwan.

    Les causes de cette surmortalité, qui prend des proportions préoccupantes, restent pourtant mystérieuses. Ou plus exactement, rien ne permet de faire émerger, parmi la quarantaine de causes potentielles pointées du doigt par l'Afssa, un facteur particulier. Aussi, face à cet inconnu, l'ampleur que vient de prendre le phénomène au Japon inquiète.

    Un sondage récemment effectué sur 2.500 apiculteurs membres de la Japanese Beekeeping Association a montré que 25% d'entre eux avaient subi des « pertes soudaines d'abeilles » à grande échelle.

    « Il y a eu des pertes d'abeilles à petite échelle depuis maintes années, mais un effondrement massif comme celui qu'a connu les Etats-Unis en 2006 est très inhabituel », s'alarme Kiyoshi Kimura, du National Institute of Livestock and Grassland Science, insistant sur l'importance d'étudier soigneusement le phénomène au Japon.

    Au-delà du miel

    Amateurs de miel, comme toutes les populations humaines de la planète, les Japonais en consomment plus qu'ils n'en produisent. Le point le plus inquiétant pour les agriculteurs nippons est la répercussion de la raréfaction des abeilles sur la pollinisation des cultures, indispensable pour une grande variété de fruits et légumes abondamment cultivés dans le pays.

    Selon Osamu Mamuro, éleveur d'abeilles et fournisseur de ruches dans un but de pollinisation, les populations d'abeilles se sont brusquement réduites au point qu'il pense devoir réduire de moitié ses livraisons, mettant ainsi en difficulté une bonne partie de ses clients agriculteurs. « Si cela continue, ce sera la fin de mon commerce », constate-t-il.

    En tout état de cause, la situation annonce déjà une augmentation significative des denrées alimentaires dans l'éventualité où les fermiers seraient contraints de polliniser manuellement, ou si les fournisseurs étaient obligés de remplacer une partie de leur stock disponible par de l'importation.

    Pollinisatrice au travail... Source Commons

    Pollinisatrice au travail... Source Commons

    Des statistiques imprécises

    Paradoxalement, un article publié le 7 mai dernier dans la revue Current Biology par le chercheur argentin Marcelo Aizen et son collègue canadien Lawrence Harden, rédigé sur la base des statistiques de l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), fait état d'une augmentation de 45% du nombre de colonies d'abeilles à l'échelon mondial.

    Comment expliquer une telle différence ? Il existerait, selon les chercheurs, une évolution très contrastée des populations apicoles au niveau mondial, les réductions - très réelles - constatées aux Etats-Unis et en Europe étant compensées par une hausse importante en Chine, en Argentine et au Canada. « Les tendances enregistrées aux Etats-Unis et en Europe ont été très médiatisées, mais la réalité est hétérogène. Le déclin des abeilles n'est pas un phénomène mondial, et on ne peut pas parler de crise de la pollinisation au niveau global », a expliqué Marcelo Aizen au journal Le Monde, soulignant que cela ne contredit pas l'existence de « véritables problèmes biologiques dans certains pays, mais souligne que les solutions devraient être trouvées au niveau local et non global ».

    Bernard Vaissière, directeur du laboratoire de pollinisation et écologieécologie des abeilles à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) d'Avignon, et qui s'était déjà exprimé dans Futura-Sciences sur le déclin des populations d'abeilles, relativise cet avis et remet en cause la précision des statistiques de la FAO : « Il faut avoir conscience des limites des statistiques de la FAO, qui reposent sur les données fournies par les pays, a-t-il expliqué dans Le Monde. Or, même au niveau national, nous avons le plus grand mal à disposer de données fiables ».

    Il cite en exemple celui d'apiculteurs perdant brusquement une partie de leur cheptel. Habituellement, afin de subir le moins de pertes de revenus possible, ils remplacent rapidement les colonies mortes. Si le recensement est effectué après ce remplacement, les pertes ne sont pas enregistrées. Il met aussi en cause la façon dont les différents pays communiquent leurs chiffres, parfois avec quelques corrections. Et de citer l'exemple de la Chine, qui surévalue systématiquement les données en matièrematière de pêchepêche.

    La perspective d'une future crise de la pollinisation n'est toutefois pas écartée. Car même si la population d'abeilles a augmenté depuis 1961 au niveau global, ce qui reste à démontrer, la part des cultures dépendant exclusivement des abeilles pour la pollinisation a augmenté de 300% dans la même période. Dans l'entretien qu'il avait accordé à Futura-Science, Bernard Vaissière citait une étude internationale sur l'importance de la pollinisation par les insectes dans l'agricultureagriculture mondiale, un sujet imparfaitement connu. « Seules 25% des cultures n'en dépendent pas du tout (principalement les céréalescéréales comme le bléblé, le maïs et le riz), nous expliquait-il. Au total, c'est 35% de la production mondiale de nourriture qui provient de cultures dépendant de la pollinisation par les insectes. »