On savait que l'exoplanète WASP-12b, une Jupiter chaude, était condamnée à chuter sur son étoile mais des incertitudes sur le temps qui lui restait à vivre demeuraient. On sait maintenant que ce temps est de 3 millions d'années seulement, un temps très court à l'échelle de l'évolution des galaxies, et que le phénomène de migration observé est bien dû à des forces de marée comme prédit il y a environ 25 ans.


au sommaire


    Lorsque les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz ont annoncé en octobre 1995 la découverte de 51 Pegasi b, découverte qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2019, la surprise fut grande. La première exoplanète connue de l'humanité autour d'une étoile de la séquence principale était tout le contraire de ce que l'on attendait et de ce que l'on cherchait. Il s'agissait d'une géante gazeuse du type aujourd'hui appelé « Jupiter chaudeJupiter chaude », c'est-à-dire une exoplanète d'une taille comparable à celle de Jupiter dans le Système solaire mais qui, de façon surprenante, se trouvait très éloignée de son point de formation supposé, au point d'être si proche de son étoile hôte que sa température d'équilibre de surface dépassait les 1.200 degrés kelvins.

    La théorie de la formation des géantes gazeuses implique qu'elles naissent dans des régions froides des disques protoplanétairesdisques protoplanétaires, au-delà de la fameuse ligne des glaces, là où les poussières sont entourées d'une gangue de glace d'eau et d'autres composés volatils gelés comme le monoxyde de carbonemonoxyde de carbone ou le méthane. Il faut donc faire intervenir des migrations planétaires pour expliquer l'existence des très nombreuses Jupiters chaudes détectées par la suite. Mais qui dit migration dit aussi qu'il est possible que certaines exoplanètes ont pu être avalées par leurs étoiles hôtes, peut-être très tôt après leur formation. On se demande d'ailleurs si le jeune SoleilSoleil n'aurait pas détruit de cette manière plusieurs superterres.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire, et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    WASP-12b est un exemple de Jupiter chaude dont on estimait déjà il y a 10 ans qu'elle était à l'agonie mais il restait des incertitudes quant au temps qui lui restait avant d'être engloutie par l'étoile WASP-12. Comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous, l'exoplanète devait encore avoir 10 millions d'années à vivre mais des mesures plus précises effectuées par des astronomesastronomes états-uniens lui donnent maintenant 3 millions d'années de sursis seulement. La taille de l'orbiteorbite de WASP-12b que l'on observe à environ 1.400 années-lumièreannées-lumière du Soleil dans la constellation du Cocherconstellation du Cocher est en train de diminuer, comme les chercheurs l'expliquent dans un article en accès libre sur arXiv.

    Mais quelle est l'origine de ce phénomène ? La réponse, comme souvent en astronomie lorsqu'il s'agit de modification de la taille d'une orbite, la gravitationgravitation.

    Des forces de marée dissipatives

    En effet, WASP-12b est si proche de son étoile qu'elle boucle son orbite en seulement 26 heures, de sorte que les forces de maréeforces de marée sont très importantes entre les deux corps célestes. Ils se déforment mutuellement de la même façon que la LuneLune soulève les océans terrestres en créant un renflement. Si la Terre était une planète océanplanète océan sans rotation, de sphérique elle deviendrait alors ellipsoïdale. C'est le cas de WASP-12b mais il se crée aussi des déformations dans son étoile hôte de sorte qu'apparaissent comme sur Terre des ondes de marée au sein de l'étoile, ce que trahit une légère distorsion de la forme de l'étoile et une oscillation de sa surface.

    Une vue d'artiste de WASP-12b déformée par les forces de marée de son étoile. © <em>Nasa Visualization Technology Applications and Development</em> (VTAD)
    Une vue d'artiste de WASP-12b déformée par les forces de marée de son étoile. © Nasa Visualization Technology Applications and Development (VTAD)

    Tout calcul fait, l'étoile se comporte comme un corps élastique qui est malaxé, et du fait de forces résistant à ces déformations, il se produit une libération de chaleurchaleur importante à l'intérieur de l'étoile. C'est un phénomène similaire qui conduit Io, la lune de Jupiter, à être si spectaculairement volcaniquement active.

    Mais qui dit chaleur dit énergieénergie, qu'il faut bien prendre quelque part, en l'occurrence, dans l'énergie cinétiqueénergie cinétique de WASP-12b qui va donc continuer à migrer vers son soleil, de la même façon que les forces de frottement d'un satellite orbitant dans la partie ténue de l'atmosphèreatmosphère de la Terre vont le conduire à entrer en collision avec notre Planète bleue.

    De façon intéressante, ce taux de dissipation de l'énergie de l'exoplanète renseigne sur le taux de dissipation de chaleur dans son étoile, lequel dépend de la théorie de la structure stellaire. Ce qui nous permet d'obtenir de nouvelles informations sur les lois de cette structure en mesurant la vitessevitesse à laquelle la taille de l'orbite de WASP-12b diminue au cours du temps.

    Mais le résultat le plus intéressant dans la nouvelle évaluation du temps qui reste à vivre pour WASP-12b n'est peut-être pas là. Bien sûr, ce phénomène de dissipation par les forces de marée avait été prédit depuis quelques décennies pour les Jupiters chaudes et c'est une bonne chose que l'on puisse le mettre en évidence pour la première fois.

    Toutefois, il indique aussi plus généralement que les migrations des Jupiters chaudes peuvent se poursuivre jusqu'à devenir si proches de leurs étoiles que les forces de marée vont les dépouiller d'une large part, voire de la totalité de l'enveloppe qui entoure un cœur rocheux, faisant apparaître d'abord une mini-Neptune chaude et ensuite une superterre.
     


    Wasp-12b, une exoplanète à l'agonie...

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 03/03/2010.

    Six milliards de tonnes à la seconde ! C'est la massemasse de gazgaz s'échappant de l'exoplanète Wasp-12b selon des chercheurs du Kavli Institute for Astronomy and Astrophysics (KIAA) à l'Université de Pékin. Cette Jupiter chaude n'en a que pour une dizaine de millions d'années avant de disparaître. C'est la première fois que l'on observe la mort d'une planète...

    En 15 ans, depuis la découverte de la première exoplanète, notre vision de la planétologie a radicalement changé. On connaît déjà pas loin de 400 systèmes planétaires dans la GalaxieGalaxie et la formation des planètes, bien que plus complexe et plus riche qu'on ne l'imaginait, est finalement un processus aussi banal que la formation des étoiles. Pour l'apparition de la vie, la question demeure ouverte mais on a de plus en plus de raisons de penser qu'il doit en être de même. Pour ce qui est de l'apparition d'une vie intelligente, en revanche, on en est encore réduit à des spéculations.

    Depuis sa découverte, l'exoplanète Wasp-12b intriguait les astrophysiciensastrophysiciens. Elle est située à environ 1.400 années-lumière dans la constellation du Cocher et se trouve en orbite très rapprochée autour d'une étoile semblable au Soleil. Il lui suffit en effet d'un jour pour achever sa révolution autour de son étoile hôte à une distance 75 fois plus petite que celle séparant la Terre et le Soleil.

    Or, avec sa masse une fois et demie plus importante que Jupiter, les premiers modèles astrophysiquesastrophysiques lui donnaient une taille très similaire à celle de Jupiter. Mais les observations s'obstinaient à lui donner, elles, un volumevolume six fois plus important. Quelle pouvait bien être la cause de ce désaccord ?

    Chauffage interne et atmosphère gonflée

    On savait, bien sûr, que l'atmosphère de la planète était surchauffée, donc dilatée, en raison de sa proximité à son étoile. Mais cette explication était problématique et insuffisante. Il semblerait bien que la solution ait finalement été trouvée et elle fait intervenir les forces de marée, très importantes à une aussi faible distance de l'étoile.

    Avec de telles forces de marée, non seulement la planète doit adopter comme forme d'équilibre celle d'un ballonballon de rugby mais, surtout, elle doit subir un processus de chauffage interne similaire à celui à l'origine de l'activité volcanique d'une super Io. C'est cette dissipation d'énergie sous forme de chaleur qui ferait gonfler considérablement l'atmosphère de la planète et expliquerait les 2.500 °C de sa surface.

    Il en résulterait aussi une perte de masse spectaculaire, toujours à cause des forces de marée : six milliards de tonnes à la seconde !

    Selon l'astrophysicienne Shulin Li, du KIAA, Wasp-12b n'aurait plus qu'une dizaine de millions d'années à vivre avant que sa masse ne soit entièrement engloutie par son étoile. Pour le moment, les gaz arrachés à la Jupiter chaude constituent un disque de matièrematière tombant en spiralant vers l'étoile Wasp-12.

    Remarquablement, une analyse fine de l'orbite de Wasp-12b indique qu'il doit exister dans ce disque une exoplanète de type super-Terre. À cette distance de l'étoile, il doit probablement s'agir d'une super IoIo. Un article sur cette découverte a été publié dans Nature et sur arXivarXiv.