L’existence de l’énergie noire a été établie vers 1998 par deux groupes indépendants d’astronomes. L’un des leaders d’une de ces équipes utilise aujourd’hui les céphéides, une catégorie d'étoiles variables, et les supernovae pour tenter de percer la nature de cette énergie accélérant l’expansion de l’Univers depuis quelques milliards d’années.

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    La galaxie NGC 3021 étudiée dans le cadre du projet SHOES. Crédit : Nasa-Esa

    La galaxie NGC 3021 étudiée dans le cadre du projet SHOES. Crédit : Nasa-Esa

    Il est intuitivement évident que si l'on augmente le volume dans lequel est contenu un gaz, sa densité va diminuer. C'est bien ce qui se produit dans l'Univers actuel, que l'on considère ses composants comme un gaz de photons, de neutrinosneutrinos et de baryons ou comme un gaz de galaxiesgalaxies ou d'amas de galaxiesamas de galaxies. Ce n'est pas du tout de cette manière que se comporte la fameuse constante cosmologiqueconstante cosmologique introduite par Albert EinsteinEinstein en 1917 dans les équationséquations de la relativité généralerelativité générale afin d'assurer l'existence d'une solution statique pour un modèle d'Univers. Cette constante implique en effet une densité d'énergieénergie dont la valeur reste inchangée au cours de l'expansion du cosmoscosmos et qui se manifeste en outre comme une pressionpression négative, et donc une force répulsive, accélérant l'expansion de l'Univers.

    Initialement, quelques centaines de milliers d'années après le « début » du cosmos observable il y a environ 13,7 milliards d'années, la matière noirematière noire constituait la composante dominante de la densité du cosmos. Le temps passant, elle s'est diluée. S'il existait une densité d'énergie se comportant comme la constante cosmologique d'Einstein, elle finirait par prendre le dessus sur la matière noire et, après une phase de décélération, commencerait une phase d'accélération sans cesse plus rapide de l'Univers.

    Depuis les travaux des équipes menées par Adam Riess et Saul Perlmutter en 1998 et 1999 respectivement, nous savons que nous vivons en effet dans un tel Univers. A ceci près que nous ne somme pas encore certains du caractère vraiment constant dans le temps de cette énergie mystérieuse accélérant l'expansion de l'Univers. Sa nature exacte est encore plus énigmatique et c'est pourquoi on la nomme énergie noireénergie noire (dark energy en anglais).

    Pour tenter de faire la lumièrelumière sur la nature de cette énergie noire, Adam Riess et l'équipe qu'il anime ont, à nouveau, mobilisé le télescopetélescope HubbleHubble. Mais au lieu de se concentrer uniquement sur l'étude des supernovaesupernovae de type SNSN Ia, les astronomesastronomes ont aussi étudié d'un peu plus près les céphéides.

    Mais pourquoi étudier des céphéides et des supernovae et quel rapport avec l'expansion de l'Univers ?

    Cliquer pour agrandir. Schéma illustrant le principe de l'échelle des distances discuté ici et des indicateurs utilisés en cosmologie pour mesurer les distances dans l'Univers. Crédit : Nasa-Esa

    Cliquer pour agrandir. Schéma illustrant le principe de l'échelle des distances discuté ici et des indicateurs utilisés en cosmologie pour mesurer les distances dans l'Univers. Crédit : Nasa-Esa

    Etoiles variables, les céphéides voient leur luminositéluminosité changer au cours du temps avec une période donnée. En 1912, en étudiant les céphéides du Petit Nuage de MagellanPetit Nuage de Magellan, Henrietta LeavittHenrietta Leavitt découvrit que cette période est corrélée à leur magnitude apparentemagnitude apparente moyenne. Plus elles sont lumineuses et plus lentement elles varient. On pouvait donc espérer déduire la luminosité intrinsèque d'une céphéide en mesurant sa période. La méthode a été étalonnée grâce aux céphéides proches dont la distance pouvait être évaluée par la méthode de la parallaxeparallaxe. Il était dès lors possible de déduire la distance des céphéides de leur rythme de variation d'éclat. En effet, plus une étoileétoile est loin, moins elle apparaît lumineuse mais si l'on connaît sa luminosité intrinsèque, on peut estimer sa distance.

    Les céphéides sont ainsi devenues des sortes de chandelles standardschandelles standards permettant d'évaluer la distance séparant la Voie lactéeVoie lactée des autres galaxies. Edwin HubbleEdwin Hubble se servit de la relation de Henrietta Leavitt d'abord pour découvrir l'expansion de l'Univers et ensuite étalonner sa fameuse loi reliant la distance d'une galaxie avec son décalage spectrale.

    Pour mesurer des distances dans l'Univers lointain, il est possible d'utiliser un autre genre d'étoile qui ne sont pas exactement des chandelles standards mais qui peuvent servir de bons indicateurs de distance. Ce sont les supernovae SN Ia.

    Ces astresastres résultent de l'explosion de naines blanchesnaines blanches dans un système binairesystème binaire. La luminosité d'une SN Ia ne peut pas s'écarter beaucoup d'une certaine valeur moyenne et comme elle peut représenter celle de centaines de milliards d'étoiles, on peut les voir de loin. En se servant des céphéides, on peut étalonner une relation donnant la luminosité apparente d'une SN Ia avec sa distance. Connaissant son décalage spectral vers le rouge, on peut alors relier sa distance à ce décalage et, par la loi de Hubbleloi de Hubble, à la vitessevitesse d'expansion de l'Univers à une date donnée de son histoire (puisque observer loin c'est observer tôt).

    La constante d'Einstein tient bon

    C'est en dressant la courbe reliant le décalage spectral des SN Ia avec leur luminosité apparente que Riess, Perlmutter et leurs collègues ont découvert l'expansion accélérée de l'Universexpansion accélérée de l'Univers.

    Malheureusement, l'étalonnage des relations luminosité-distance des céphéides n'est pas exempt d'erreurs et celui des SN Ia non plus. Ces erreurs s'accumulent donc sur l'échelle des distances et la fameuse constante de Hubbleconstante de Hubble mesurant l'expansion de l'Univers n'était connue jusqu'à récemment qu'avec une précision que de l'ordre de 10%. On trouvait donc par ce moyen une valeur actuelle de H0 = 72 ± 8 km/sec/mégaparsec.

    Cela était suffisant pour détecter la présence d'une énergie noire se comportant comme la constante cosmologique d'Einstein mais il est évidemment difficile dans ces conditions de mettre en évidence une éventuelle dérive faible de la valeur de la densité de l'énergie noire dans le passé de l'Univers.

    Découvrir que la constante cosmologique n'est en fait pas constante serait d'une importance cruciale car il existe des dizaines de propositions théoriques basées, par exemple, sur des théories de supergravitésupergravité ou de supercordes, qui expliquent la nature de l'énergie noire. C'est aussi le moyen de déterminer, peut-être, quel sera le futur de l'Univers.

    Cliquer pour agrandir. Dans les cercles verts les céphéides étudiées par Riess et ses collègues dans la galaxie NGC 3021 et dans le cercle rouge la supernova observée en 1995. Crédit : Nasa-Esa
     
    Cliquer pour agrandir. Dans les cercles verts les céphéides étudiées par Riess et ses collègues dans la galaxie NGC 3021 et dans le cercle rouge la supernova observée en 1995. Crédit : Nasa-Esa

    Adam Riess et ses collègues ont donc entrepris de lancer il y a quelques années le projet SHOES (Supernova H0 for the Equation of State) afin de mesurer plus précisément les caractéristiques de 240 céphéides contenues dans 7 galaxies. Ils ont pour cela observé dans l'infrarougeinfrarouge proche avec les instruments Near Infrared Camera and Multi-Object Spectrometer (NICMOS) et Advanced Camera for Surveys (ACS) équipant le télescope Hubble. Dans les 7 galaxies observées, des SN Ia ont été repérées, dont une dans la galaxie NGC 4258NGC 4258 de distance très précisément mesurée grâce à des radiotélescopesradiotélescopes au sol.

    La constante de Hubble est désormais connue à moins de 5% près, plus précisément H0 = 74,2 ± 3,6 km/sec/mégaparsec. A cette précision, l'énergie noire est toujours bien décrite par un modèle de vraie constante cosmologique et aucune trace bien distincte de physiquephysique au-delà du modèle standardmodèle standard n'émerge. Riess envisage de descendre à l'avenir à une précision de l'ordre de 1%.