Depuis la Terre, à l’aide du télescope Subaru, à Hawaï, une équipe d’astronomes a réussi le très rare exploit d’obtenir une image directe d’une exoplanète. Elle tourne autour d’une géante bleue, Kappa d’Andromède, et elle est de bonne taille : plus de 12 fois la masse de notre Jupiter.

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    Une image, réalisée à partir de deux séries d'observations en infrarouge effectuées en janvier et en juillet 2012, vient d'être présentée, montrant une exoplanète. L'exploit, rarissime, n'est pas mince car la quasi-totalité des quelque 840 exoplanètes découvertes n'ont pu qu'être mises en évidence indirectement, par la méthode du transit (une ombre passe devant l'étoile) ou de la vitesse radiale (l'étoile est très légèrement mise en mouvementmouvement de rotation).

    Ici, c'est une véritable image que nous montre l'équipe d'astronomesastronomes, dirigée par Joseph Carson (institut Max PlanckMax Planck) qui a utilisé le télescopetélescope japonais Subaru, installé sur le Mauna Kea, à Hawaï. Il est vrai que la planète est énorme : près de 13 fois la massemasse JupiterJupiter. C'est donc une géante gazeuse, juste un peu trop petite pour allumer des réactions nucléairesréactions nucléaires et devenir une étoile.

    Elle tourne autour de Kappa d'Andromède (ou K And). Cette voisine, à 170 années-lumièreannées-lumière, est visible à l'œilœil nu (loin des villes) dans la constellation d'Andromèdeconstellation d'Andromède (et non pas, bien sûr, dans la galaxie du même nom, éloignée de plus de 2,5 millions d'années-lumière). De teinte bleue, 2,5 fois plus grosse que le SoleilSoleil, elle brille généreusement et est en pleine forme. Les astronomes lui donnent un âge de 30 millions d'années et la classent comme une géante bleuegéante bleue. Kappa d'Andromède b (le nom actuel de cette exoplanète) apparaît à 55 UA (unités astronomiquesunités astronomiques) de l'étoile, soit 55 fois la distance Terre-Soleil, ce qui, dans notre Système solaire, la placerait au-delà de PlutonPluton.

    À gauche, l'image (en fausses couleurs) obtenue dans le proche infrarouge (longueurs d'onde entre 1,2 et 2,4 microns), montrant la lumière de Kappa d'Andromède, cachée (par logiciel) dans le disque noir marqué d'une croix blanche. La tache lumineuse en haut à gauche est l'image de l'exoplanète Kappa d'Andromède b. L'image de droite est le résultat d'un calcul sur celle de gauche, dans lequel a été soustrait le maximum de la luminosité que l'on peut attribuer à l'étoile. Restent le fond de ciel, des traces parasites de la lumière de l'étoile (<em>parent star</em>) Kappa d'Andromède (K And) et Kappa d'Andromède b (K And b). © NAOJ

    À gauche, l'image (en fausses couleurs) obtenue dans le proche infrarouge (longueurs d'onde entre 1,2 et 2,4 microns), montrant la lumière de Kappa d'Andromède, cachée (par logiciel) dans le disque noir marqué d'une croix blanche. La tache lumineuse en haut à gauche est l'image de l'exoplanète Kappa d'Andromède b. L'image de droite est le résultat d'un calcul sur celle de gauche, dans lequel a été soustrait le maximum de la luminosité que l'on peut attribuer à l'étoile. Restent le fond de ciel, des traces parasites de la lumière de l'étoile (parent star) Kappa d'Andromède (K And) et Kappa d'Andromède b (K And b). © NAOJ

    L'optique adaptative, indispensable pour des observations depuis le sol

    Pour distinguer la faible lueur juste à côté de l'énorme luminositéluminosité de K And, les astronomes ont fait travailler la nouvelle optique adaptative de Subaru (HiCIAO, High Contrast Instrument for the Subaru Next Generation Adaptive Optics) et le spectromètrespectromètre à infrarouge IRCS (Infrared Camera and Spectrograph). Il leur a fallu ensuite soustraire la lumière de l'étoile par l'analyse d'images prises à des moments différents, dans quatre petites bandes du spectrespectre infrarouge. Les différences entre les images ont permis de distinguer la trace lumineuse de la planète. C'est l'imagerie angulaire différentielle.

    Utilisée à partir de 2004 par les Québécois René Doyon, David Lafrenière et Christian Marois, cette technique avait offert la première image, en 2008, d'un système planétaire autour de HR-8799, réalisée avec les télescopes KeckKeck et Gemini, également sur le Mauna Kea. La découverte avait valu à ces astronomes d'être récompensés par le prix John-C.-Polanyi du CRSNG (organisme de recherche canadien). En 2005, 2M11027b, une planète géante gazeuseplanète géante gazeuse fut la première à se montrer sur une image, grâce au VLT de l'ESOESO, à l'observatoire du Cerro Paranal, au Chili.

    Reste à étudier le spectre de l'exoplanète Kappa d’Andromède b

    Même si Kappa d'Andromède b est énorme, la prouesse est à la limite des possibilités techniques des instruments actuels. La seule turbulenceturbulence atmosphérique interdit de descendre à la résolutionrésolution nécessaire pour une telle imagerie. C'est donc l'optique adaptative, qui déforme en temps réel le miroirmiroir, en fonction des turbulences constatées, qui offre la résolution suffisante. Pour cette observation, les astronomes ont bénéficié de la récente amélioration de l'optique adaptative de Subaru, passée de 36 à 188 éléments. La turbulence est mesurée par un faisceau laserlaser vertical pointé vers le ciel dans la même direction que la zone observée. On obtient une tache lumineuse, sorte d'étoile artificielle, dont les fluctuations de luminosité indiquent les corrections à effectuer sur le miroir.

    L'exploit, réalisé avec un instrument nouvellement amélioré, en promet d'autres. D'après les auteurs, dont l'article sera prochainement publié (dans Astrophysical Journal Letters), la découverte montre déjà qu'une géante bleue peut abriter un système planétaire. L'équipe va maintenant s'atteler à l'étude spectrométrique de la lumière reçue de cette exoplanète pour en comprendre la composition.