L’expansion accélérée de l’univers est un fait, mais peut-on se passer de l’énergie noire pour l’expliquer ? Cela semble désormais très peu crédible suite aux mesures effectuées avec le télescope Hubble, réfutant le plus simple modèle cosmologique inhomogène, nous mettant presque au centre d’une zone de sous-densité dans le cosmos observable.

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    L'introduction de sa fameuse constante cosmologique dans son tout premier modèle de cosmologie relativiste a par la suite été qualifiée par EinsteinEinstein de « la plus grande erreur de sa vie », scientifique, bien évidemment. De nos jours, nous la voyons comme une nouvelle preuve de son génie. En effet, depuis les années 1998, les observations se sont multipliées et affinées, montrant qu'il faut bel et bien ajouter un terme dans les équations qu'Einstein a découvertes pendant les années 1907 à 1916, celles de la relativité générale.

    Ce terme se comporte comme une sorte de pression accélérant l'expansion de l’univers depuis quelques milliards d'années. On croyait que celle-ci devait diminuer lentement mais sûrement, pour peut-être atteindre une valeur nulle avant de s'inverser (scénario du Big Crunch), à moins qu'il ne faille un temps infini pour que cette annulation se produise (scénario du Big Chill).


    L'énergie sombre vient brouiller les cartes des scientifiques. Se dirige-t-on vers un Big Chill ou vers un Big Crunch ? L'avenir de l'univers n'a jamais été aussi incertain. Pour en savoir plus : www.dubigbangauvivant.com. © Groupe ECP, YouTube

    Au centre d'une bulle de sous-densité ?

    La nature de cette constante cosmologique est mystérieuse et pourtant, dans un volumevolume de l'universunivers observable plus grand que celui d'un amas de galaxiegalaxie, la densité d'énergieénergie que l'on peut associer à cette constante domine celle de la matièrematière ordinaire et de la matière noirematière noire. Cette énergie doit avoir des propriétés inhabituelles et on la désigne sous le nom d'énergie noire. Toutefois, tout en ne niant pas la découverte de l'expansion accélérée de l'universexpansion accélérée de l'univers, certains se demandaient depuis quelques années si l'énergie noireénergie noire existait réellement. Une autre explication avait été proposée, ne faisant intervenir aucune physiquephysique exotiqueexotique, comme la supergravitésupergravité. Elle porteporte le nom de scénario du vide minimal.

    La galaxie spirale NGC 5584 se trouve à 72 millions d'années-lumière dans la constellation de la Vierge. © Esa-Nasa

    La galaxie spirale NGC 5584 se trouve à 72 millions d'années-lumière dans la constellation de la Vierge. © Esa-Nasa

    Dans celui-ci, l'expansion accélérée de l'univers n'est qu'un phénomène local, provenant du fait que l'univers ne serait pas aussi uniformément dense en matière à très grande échelle que l'on ne le supposait jusqu'à présent. Si nous vivons dans une zone de sous-densité, on peut montrer que cela conduit naturellement à l'apparition de la fameuse constante cosmologique d'Einstein dans cette zone. Nul besoin de faire intervenir des champs scalaires, de modifier de façon non linéaire les équations d'Einstein ou encore de faire intervenir les fluctuations quantiques des champs en espace-tempsespace-temps courbe. 

    Mais si l'on veut appliquer la méthode du rasoir d'Occam, en évitant de postuler de la nouvelle physique, nous devrions nous trouver presque au centre d'une bulle de sous-densité de plusieurs milliards d'années-lumièreannées-lumière de rayon. Une hypothèse bien peu copernicienne qui nous placerait d'une certaine façon au centre du monde... Mais elle restait logiquement possible, aussi étrange que cela paraisse, et ne pouvait donc pas être rationnellement rejetée sans courir le risque d'être victime d'un préjugé sans fondement indiscutable. Il existait cependant au moins un moyen de savoir si tel était bien le cas.

    Observer dans l'infrarouge pour réduire l'absorption par la poussière

    Depuis quelques années, l'un des découvreurs de l'expansion accélérée de l'univers observable, Adam Riess, s'est lancé avec ses collègues dans le projet Shoes (Supernova H0 for the Equation of State). Il consiste à mesurer plus précisément les caractéristiques de centaines de céphéides contenues dans plusieurs galaxies. Ils ont pour cela effectué des observations dans l'infrarougeinfrarouge proche avec la Wide Field Camera 3 équipant depuis quelques années le télescope spatialtélescope spatial Hubble.

    Image du site Futura Sciences

    La galaxie NGC 5584 est l'une de celles étudiées par Adam Riess et ses collègues dans le cadre de Shoes. Les céphéides avec des périodes de moins de 30 jours et entre 30 et 60 jours sont marquées par des cercles bleus et verts, respectivement. Un petit nombre de céphéides, avec des périodes de plus de 60 jours, sont marquées en rouge. © Esa-Nasa

    Les céphéides sont utilisées depuis longtemps en cosmologie. Il s'agit d'étoilesétoiles pulsantes dont la luminositéluminosité intrinsèque varie en fonction de la périodicité de leur pulsation. Connaissant cette luminosité intrinsèque, il est possible d'en déduire leur distance en fonction de leur luminosité apparente. C'est facile à comprendre : la luminosité d'une bougie est d'autant plus faible pour un observateur qu'elle est loin de lui.

    Jusqu'à quelques dizaines de millions d'années-lumière de la Voie lactée, ces céphéides constituent de bons indicateurs de distance. Mais pour sonder l'univers profond, il faut trouver des bougies bien plus lumineuses et dont on est raisonnablement sûr que la luminosité intrinsèque ne varie pas beaucoup. Ces indicateurs existent : ce sont des supernovaesupernovae SNSN Ia.

    Toutefois, elles ne constituent pas vraiment ce qu'on appelle des chandelles standardschandelles standards et les mesures de distances que l'on peut faire avec elles possèdent une incertitude non négligeable. On a pu toutefois s'en servir pour mesurer la fameuse constante de Hubbleconstante de Hubble H0 et découvrir l'expansion accélérée de l'univers.

    Une imprécision de 10 % en 1999 pour H0 réduite à quelques pourcents en 2011

    Or, plus on connaît précisément la valeur de H0, qui varie au cours du temps, plus il est possible d'avoir des informations sur la nature de la constante cosmologique. En particulier, observer les céphéides dans une galaxie lointaine avec des instruments plus sensibles, conjointement avec une supernova SN Ia, permet de réduire l'imprécision des mesures sur la valeur de la constante de Hubble. C'est ce qui a été fait ces dernières années par Riess et ses collègues. Ils sont parvenus à descendre à une précision de l'ordre de 3,3 % pour H0 et donnent aujourd'hui comme valeur : 

                           H0 = 73,8 ± 2,4 km/s/MPc (MPc pour mégaparsec)

    En joignant ces mesures avec celles fournies par WMap 7, les chercheurs ont obtenu une équation décrivant le comportement de l'énergie noire incompatible avec son interprétation par l'hypothèse du vide minimal, ou pour le moins, sa formulation la plus simple avec un modèle de cosmologie relativiste inhomogène. 

    Nous ne connaissons toujours pas la cause de l'expansion accélérée de l'univers mais nous savons ce qu'elle n'est pas. Avec de la chance, l'expérience proposée par le prix Nobel de physique Martin Perl nous dira peut-être dans quelques années ce qu'est l'énergie noire...