La Gravity Research Foundation décerne chaque année des prix pour de courts articles explorant des idées spéculatives sur la gravitation. Dans la dernière livraison, l’un d'eux explore succinctement une hypothèse curieuse : il pourrait subsister des minitrous noirs, vestiges d’un avant Big Bang...

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    Le physicien et cosmologiste Bernard Carr. © St Edmund's College

    Le physicien et cosmologiste Bernard Carr. © St Edmund's College

    • Tout savoir sur les trous noirs avec notre dossier  

    Bernard Carr travaillait à sa thèse avec Stephen HawkingStephen Hawking au moment où celui-ci a découvert l'évaporation des trous noirs en 1974. À l'époque, il s'agissait pour le célèbre astrophysicienastrophysicien de la suite logique des réflexions qu'ils avaient amorcées en 1971. Elles concernaient la possibilité que des minitrous noirs, de tailles inférieures à celles des trous noirs stellaires actuels, se soient formés dans des phases très primitives, denses et chaudes de l'univers après le temps de Planck. Il fut en effet le premier à réaliser que les fluctuations de densité postérieures à cette époque pouvaient faire naître de tels trous noirs.

    Bernard Carr est ainsi devenu depuis l'un des spécialistes mondiaux de ces minitrous noirs. Tout naturellement, ses travaux portent aussi sur la cosmologie et il s'intéresse depuis quelque temps à la notion de multivers. Il a d'ailleurs été l'éditeur d'un ouvrage sur le sujet, intitulé Universe or Multiverse? 

    Avec un collègue, Alan Coley, il vient d'ébaucher, dans un article publié sur ArxivArxiv, quelques réflexions sur la possibilité que certains des minitrous noirs qui existent peut-être dans notre univers observable soient des vestiges d'une phase d'un avant Big Bang. Ces réflexions s'inscrivent donc dans le cadre de l'hypothèse d'un univers dont l'évolution aurait connu une phase de rebond après une contraction. Plus généralement, ce cadre est celui des cosmologies cycliques. Avant le Big BangBig Bang aurait pu en effet avoir lieu une phase de contraction de l'univers observable conduisant à un Big Crunch. Une telle fin pour l'univers actuel n'est pas exclue si l'énergie noire n'est pas une vraie constante cosmologiqueconstante cosmologique.

    Une phase de rebond existe dans plusieurs théories relativistes de la gravitationgravitation, que ce soit dans un régime classique ou dans un régime quantique. On connaît ainsi des modèles dans lesquels l'univers atteint une phase de grande densité et entre à nouveau en expansion, sans passer par une phase de gravitation quantiquegravitation quantique. Il existe cependant naturellement dans la cosmologie quantique décrite par la LQG (Loop quantum gravitygravitégravité quantique à boucles), un rebond, lequel s'accompagne d'une phase inflationnaire. Cette phase d'inflation, présente dans bien d'autres modèles cosmologiques, est un paramètre critique pour permettre qu'aient pu survivre certains minitrous noirs issus des fluctuations durant une phase terminale dense précédant le Big Bang.

    L'écueil de l'inflation

    En effet, l'inflation devrait normalement tant diluer les particules et autres structures présentes dans l'univers, comme des monopôles magnétiquesmonopôles magnétiques, que seuls des minitrous noirs formés après l'inflation devraient pouvoir être observables aujourd'hui. Ainsi, on ne pourrait pas observer des minitrous noirs issus d'une phase de préinflation et donc de pré-Big Bang. L'existence de l'inflation semble très probable car les observations de WMap lui sont favorables. On considère même parfois que cette théorie, encore à démontrer, fait partie de la cosmologie standard.

    Toutefois, il existe des théories cosmologiques qui ne font intervenir aucune inflation, comme la cosmologie conforme cyclique (CCC) récemment proposée et qui suggère l'existence de traces observables dans le rayonnement fossile.

    En tout état de cause, des minitrous noirs se formant dans une phase de Big Crunch auraient tendance à fusionner. En tenant compte de ce phénomène, les deux chercheurs font quelques estimations sur la distribution en massemasse des minitrous noirs existant peut-être actuellement. Selon eux, cela pourrait donc conduire à des tests observables. Mais il ne s'agit pour le moment que de réflexions très préliminaires, même si elles sont stimulantes, sur la possibilité d'explorer un avant Big Bang avec les minitrous noirs.