L’univers semble empli de matière noire mais elle reste pour le moment insaisissable, au sein des accélérateurs comme dans les détecteurs enterrés. Elle pourrait cependant changer la nature des étoiles dans lesquelles elle se concentrerait, donnant du même coup une trace plus nette de sa présence et de ses propriétés.

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    Joel Primack a proposé au début des années 1980 le modèle aujourd'hui couramment admis de la matière noire froide. © 2011 The Regents of the University of California

    Joel Primack a proposé au début des années 1980 le modèle aujourd'hui couramment admis de la matière noire froide. © 2011 The Regents of the University of California

    Voilà déjà quelques années que les astrophysiciensastrophysiciens des particules s'interrogent sur la matière noire, dont on a de nombreuses preuves indirectes. Mais sa nature reste inconnue. Tout au plus sait-on que ses caractéristiques doivent être celles du modèle de la matière noirematière noire froide proposé au début des années 1980 par Joel Primack et quelques-uns de ses collègues.

    Il pourrait s'agir, entre autres, de Weakly Interacting Massive Particles (Wimp). Certaines classes de théories décrivant les Wimp supposent que ces particules peuvent s'annihiler, un peu à la façon dont un électron et son antiparticule (un positron) donnent deux photons gamma. La probabilité d'une telle annihilation doit être faible. Elle peut malheureusement être si petite qu'il est presque impossible d'en détecter l'occurrence, par exemple sous forme d'un excès de rayons cosmiques caractéristique.

    Mais il se pourrait que ces particules s'accumulent dans les étoilesétoiles comme le Soleil, produisant des écarts aux prédictions de la structure stellaire standard en donnant des exemples de ce qu'on appelle des étoiles noires. C'est cette possibilité qu'explore un groupe international d'astrophysiciens dans un article déposé sur arxiv. Ils se sont concentrés sur les conséquences que l'on peut tirer de l'existence possible de ce qu'ils appellent de la matière noire asymétriqueasymétrique, en anglais asymmetric dark matter (ADM). 

    Sur ce diagramme de Hertzsprung-Russell, on voit en ordonnée le logarithme de la luminosité des étoiles rapportée à celle du Soleil et en abscisse le logarithme de la température effective de surface de l'étoile. Selon la masse et la densité (rhô) en haut à droite des particules de matière noire asymétrique, les étoiles de la séquence principale ne se répartissent pas sur les mêmes courbes. © <em>2012 American Physical Society</em>

    Sur ce diagramme de Hertzsprung-Russell, on voit en ordonnée le logarithme de la luminosité des étoiles rapportée à celle du Soleil et en abscisse le logarithme de la température effective de surface de l'étoile. Selon la masse et la densité (rhô) en haut à droite des particules de matière noire asymétrique, les étoiles de la séquence principale ne se répartissent pas sur les mêmes courbes. © 2012 American Physical Society

    Les particules de matière noire et leurs antiparticules ne se comportent pas de la même manière et, du fait de cette asymétrie, ont un très faible taux d'annihilation. En revanche ces particules d'ADM peuvent interagir de façon faible mais plus importante avec les noyaux à l'intérieur des étoiles. Il en résulte un effet significatif dans les étoiles de la séquence principaleétoiles de la séquence principale, celles qui se trouvent sur le fameux diagramme de Hertzsprung-Russelldiagramme de Hertzsprung-Russell (HR). Dans ces astresastres, le transfert d'énergieénergie entre le cœur et leurs couches externes est modifié. Il est facilité de la même façon dont les neutrinosneutrinos, interagissant peu avec la matière, quittent le cœur des étoiles bien avant les photons.

    Des populations d'étoiles noires dans des galaxies naines ?

    Les étoiles ne se trouvent alors plus sur la courbe habituelle de la séquence principale des étoiles du diagramme HR. Avec un peu d'ADM, les étoiles deviennent plus grosses et plus brillantes. Avec beaucoup d'ADM, elles sont plus petites et plus froides.

    Les scientifiques ont calculé que les effets devraient être plus grands pour les étoiles ayant des massesmasses de l'ordre de celle de notre SoleilSoleil ou un peu moins. Voilà qui est de bon augure lorsqu'on sait que 60 % des étoiles de la Voie lactéeVoie lactée ont des masses comprises entre 0,1 et 1 masse solaire.

    Malheureusement, pour être suffisamment riches en ADM, ces étoiles doivent se former dans un environnement où la densité de matière noire est environ 200 fois plus élevée que la densité estimée autour du Soleil, ce qui ne va pas de soi. Toutefois, on pense que le centre des galaxiesgalaxies et certaines galaxies nainesgalaxies naines devraient être assez riches en particules de matière noire asymétriques (sous réserve que la matière noire en soit bien majoritairement constituée), de sorte que ces étoiles exotiquesexotiques puissent y exister en nombre assez grand pour qu'on les observe.

    La détection resterait difficile mais la migration d'une de ces étoiles vers un lieu proche du Soleil n'étant pas impossible, l'observation des caractéristiques d'une telle étoile donnerait des renseignements précieux sur les propriétés des particules d'ADM. Ces propriétés nourriraient à leur tour les modèles de formation des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies, conduisant à une nouvelle compréhension de l'évolution et de la structure de notre universunivers observable.