L'accumulation de débris spatiaux rendra-t-elle certaines orbites inutilisables ? Plusieurs organismes internationaux tirent la sonnette d’alarme. Aux États-Unis, un rapport du Pentagone prévient des conséquences à long terme qui pourraient se chiffrer en milliards de dollars. En Europe, l’Esa, le Cnes et d’autres agences spatiales ont pris la mesure du problème.


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    L'accumulation de débris spatiaux du seul fait de l'activité humaine entraîne des risques croissants de collision avec les satellites. Logiquement, ces débris évoluent sur les orbites basses, très prisées des constellations et autres satellites d'observation de la Terre. Comme l'explique Bharath Gopalaswamy, spécialiste indien en aéronautique et auteur de recherches sur les débris spatiaux à l'Institut international de recherches pour la paix à Stockholm, « quelque 370.000 débris divers tournent autour de la Terre sur des orbites basses, à une distance de 800 à 1.000 kilomètres de la planète environ, où évoluent 1.100 satellites ».

    À mesure que l'espace devient de plus en plus utile à la prospérité économique et à la sécurité, la communauté internationale ne peut pas faire l'économie d'un débat visant à prendre des mesures coercitives plus restrictives pour prévenir la pollution des orbites basses et géostationnaires. En effet, les mesures en vigueur aujourd'hui ne sont pas suffisantes pour arrêter ni même limiter l'accumulation des débris.

    La France s'y met

    Dans sa conférence de presse de rentrée 2011, Yannick d'Escatha, le président du Cnes, a tenu à préciser le rôle grandissant de l'Agence spatiale française dans la gestion et la surveillance de ces débris spatiaux. En ligne avec les préconisations de l'Office des Nations unies pour les affaires spatiales (UNOOSA), le Cnes a mis en place à Toulouse une « équipe chargée de surveiller en permanence le ciel ainsi que les satellites français et européens susceptibles d'être percutés », explique Yannick d'Escatha. Son rôle est de calculer les risques de collision. En fonction de leur dangerosité, elle décide ou non de mesures de pilotage des 18 satellites français que contrôle le Cnes. Signe des temps, il y a quelques années encore, les alertes étaient épisodiques alors « qu'aujourd'hui elles sont pour ainsi dire quotidiennes ».

    Parallèlement à cette surveillance, le Cnes poursuit ses opérations de désorbitation de satellites en fin de vie. En 2010, il a procédé à celle des quatre satellites de la constellation Essaim, lancés en 2004.

    Exemple d'impact sur un satellite. Comme l’explique le Cnes, une sphère d'aluminium d'un diamètre de 1 mm se déplaçant à une vitesse de 10 km/s perfore une paroi d'aluminium de 4 mm d'épaisseur. Un tel projectile a la même énergie cinétique qu'une boule de pétanque lancée à 100 km/h. © Cnes

    Exemple d'impact sur un satellite. Comme l’explique le Cnes, une sphère d'aluminium d'un diamètre de 1 mm se déplaçant à une vitesse de 10 km/s perfore une paroi d'aluminium de 4 mm d'épaisseur. Un tel projectile a la même énergie cinétique qu'une boule de pétanque lancée à 100 km/h. © Cnes

    Une concertation internationale laborieuse mais qui avance

    Il va de soi que les seuls instruments français, notamment ceux de l'Armée de l'airair, ne sont pas suffisants pour surveiller le ciel. Cela se fait en étroite collaboration avec ceux de l'Allemagne et des États-Unis dans le cadre d'un travail de coopération très intégré, qui permet de disposer des capacités radars, voire optiques, des uns et des autres.

    Une collaboration internationale et interagences nécessaire et pragmatique car, dans l'espace tout le monde est concerné par ce problème. Il y a un intérêt collectif à éviter les collisions car un satellite percuté engendre des milliers de nouveaux débris formés, susceptibles d'entrer en collision avec d'autres satellites.

    Les États-Unis et les pays de l'Europe de l'Ouest se sont intéressés dès les années 1980 à ce problème, rapidement rejoints par le Japon et la Russie. La concertation entre ces nations a débouché sur la création, en 1993, du Comité interministériel de coordination des débris spatiaux (IADC).

    Aujourd'hui, l'IADC, qui comprend dix agences spatiales nationales en plus de l'Esa, a élaboré des lignes directrices pour protéger l'espace des débris artificiels. Ce travail a débouché sur des directives avalisées en 2007 par le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique des Nations unies dans le cadre des « meilleures pratiques » pour la sûreté des opérations dans l'espace.