Le pilote de l’avion solaire, André Borschberg, confie à Futura-Sciences ses impressions aux commandes de cet avion unique après son périple réussi entre Payerne, Bruxelles et le Bourget. La prochaine étape est déjà en préparation : la construction d’un autre appareil qui devra effectuer un tour du monde en 2014.

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    Avec une trentaine de vols, un tour de la Suisse, un vol de nuit et un long voyage entre Payerne, la base de Solar Impulse, Bruxelles et le Bourget, l'avion solaire immatriculé HB-SIA a fait parler de lui partout dans le monde et, surtout, a démontré la possibilité de faire voler un tel engin à la seule force de l'énergie du soleil.

    L'avion est désormais rentré à Payerne et ce patient projet se poursuit déjà. André Borschberg, ancien pilote de chasse de l'armée suisse, ingénieur de l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) spécialisé en mécanique et thermodynamique, mais aussi diplômé au MIT en management et créateur d'entreprises, a cofondé Solar ImpulseSolar Impulse avec Bertrand PiccardBertrand Piccard. C'est lui qui a piloté l'avion pour tous ces vols, à part les tout premiers confiés au pilote d'essai professionnel Markus Scherdel.

    Les cofondateurs de Solar Impulse : André Borschberg, à gauche, et Bertrand Piccard, à droite. © Solar Impulse

    Les cofondateurs de Solar Impulse : André Borschberg, à gauche, et Bertrand Piccard, à droite. © Solar Impulse

    « On peut dire : "je vais voler pour faire le plein" ! »

    Futura-Sciences : En regardant cet avion, on a l’impression que vous avez tout réinventé…

    André Borschberg : Tout réinventé, oui et non... Non car, justement, nous nous sommes appuyés sur les principes les plus classiques pour un avion, et qui fonctionnent bien : deux ailes, un empennage arrière, etc. Oui car nous avons fait ce qu'il ne faut pas faire en aviation : concevoir en même temps un nouvel avion et un nouveau mode de propulsion.

    Quelle a été la principale difficulté ?

    André Borschberg : C'est sûrement les contraintes de poids. L'énergie disponible était connue au départ : c'est celle des rayons solaires le long d'une journée. Cela nous a donné une limite de masse : 1.600 kilogrammeskilogrammes. Nous avons estimé au début qu'il était possible de la respecter, y compris avec les 400 kg de batteries. Et c'est ce que nous avons fait. Pourtant, dans ce genre de situation, à l'arrivée, vous êtes souvent 20 % plus lourd...  Il a fallu innover et nous avons collaboré avec quatre-vingts partenaires pour arriver à ce résultat !

    L'avion solaire HB-SIA quitte le Bourget, le 3 juillet 2011, et s'offre une vue sur la tour Eiffel. © Solar Impulse

    L'avion solaire HB-SIA quitte le Bourget, le 3 juillet 2011, et s'offre une vue sur la tour Eiffel. © Solar Impulse

    Comment gérez-vous l’électricité ? Faut-il décoller avec les batteries à pleine charge ?

    André Borschberg : L'idée est de décoller avec la charge des batteries telle qu'elle était à l'atterrissage précédent. Avec cet avion, on a une impression extraordinaire. On peut dire : « je vais voler pour faire le plein » ! Au départ d'un vol, si les batteries sont complètement chargées, on peut monter à 9.000 mètres. Si elles ne le sont pas, on les charge à plus basse altitude.

    L’avion produit donc davantage d’électricité qu’il n’en consomme ?

    André Borschberg : Au soleil, oui. À midi, les moteurs consomment entre le tiers et le quart de ce qui est produit. Les cellules génèrent entre 7 et 8 kW par moteur et chacun consomme environ 2 kW.

    En tant que pilote, comment jugez-vous cet avion ?

    André Borschberg : Je dirais qu'il a une double personnalité. En airair calme, c'est un excellent avion, très facile, très stable, agréable à piloter. En air turbulent, en revanche, il est difficile. Ses réactions sont lentes, il faut anticiper et rester très calme. De plus, les efforts musculaires sur les commandes sont alors importants.

    Le HB-SIA au-dessus de la Suisse. À droite, le lac de Neufchâtel. © Solar Impulse

    Le HB-SIA au-dessus de la Suisse. À droite, le lac de Neufchâtel. © Solar Impulse

    Durant les vols entre Payerne, Bruxelles et le Bourget, on a vu votre équipe aux prises avec les aléas météométéo. Quelles contraintes voyez-vous pour le futur tour du monde ?

    André Borschberg : L'avion est sensible au ventvent et aux turbulencesturbulences. Il faut décoller et atterrir le matin ou le soir. Mais durant ces vols que nous venons de faire, nous avions des contraintes supplémentaires : le contrôle aérien, car nous avons navigué dans des zones à fort trafic, et les échéances de nos rendez-vous. Nous ne voulions pas rater le Salon du Bourget ! C'est pourquoi, par exemple, au départ de Bruxelles, nous avons en partie chargé les batteries avant le second décollage.

    Où en est le successeur du HB-SIA ?

    André Borschberg : La constructionconstruction du second avion, le HB-SIB, est déjà commencée, notamment le longeronlongeron de l'aile. Il sera juste un peu plus grand en envergure mais il sera beaucoup plus confortable, avec une cabine pressurisée et de la place pour deux personnes.

    Trois générations successives de Piccard : à gauche Auguste (physicien, aéronaute et frère d'aéronaute), au centre, Jacques (océanographe et homme le plus profond du monde avec Don Walsh), à droite, Bertrand Piccard (psychiatre et « savanturier » comme ses père et grand-père). © Solar Impulse

    Trois générations successives de Piccard : à gauche Auguste (physicien, aéronaute et frère d'aéronaute), au centre, Jacques (océanographe et homme le plus profond du monde avec Don Walsh), à droite, Bertrand Piccard (psychiatre et « savanturier » comme ses père et grand-père). © Solar Impulse

    Comment se présente la préparation du prochain tour du monde, en 2014 ?

    André Borschberg : Bien ! Nous avons beaucoup de demandes émanant de pays qui souhaitent accueillir l'avion. Nous devrons donc faire davantage d'escales que prévu. Nous passerons au sud de l'Himalaya, en Inde, en Chine... Nous traverserons les États-Unis.

    Vous devrez donc faire de longues traversées océaniques ?

    André Borschberg : Oui. Nos plus longues étapes dureront de trois à cinq jours, nuits comprises.