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    Que ce soit aux Halles, à Montparnasse ou ailleurs, les Parisiens connaissent ces trottoirs roulants qui, lorsqu'ils fonctionnent - mais c'est loin d'être toujours le cas ! -, leur font gagner quelques précieuses secondes sur leurs trajets souterrains. Ce qu'ils ignorent en revanche, c'est que ces inventions ont bien failli transformer en profondeur leur espace urbain.

    À qui revient l'idée originale du trottoir roulant ? À la France, clame-t-on de ce côté-ci de l'Atlantique : le réseau installé à Paris à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900 en apporte la preuve. Aux États-Unis, répondent les Américains : dès 1893, Chicago s'était doté d'un tel dispositif pour acheminer les visiteurs de sa propre exposition, la Columbian World's Fair, censée célébrer les 400 ans de la découverte de l’Amérique - avec, cela n'aura échappé à personne, un an de retard...

    L'invention du trottoir roulant et l'Exposition universelle de 1900

    Si le débat paraît difficile à trancher, on ne peut manquer de noter que le premier brevet Dalifol pour une « locomotion à planchersplanchers mobilesmobiles avec traction par moteur fixe », a été déposé en France dès 1880 et c'est bien la « plateforme mobile » de 1900 qui a fait passer le dispositif à la postérité. « Durant l'après-midi du jour de Pâques, relève un correspondant de La Revue scientifique le 26 mai 1900, elle a transporté 70.000 personnes, alors que les lignes d'omnibus ou de tramways les plus fréquentées ne transportent guère qu'une quarantaine de mille de voyageurs par jour. »

    Les premiers essais de démarrage de piétons sur un trottoir roulant devant le bâtiment principal de l'Office en 1924. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Les premiers essais de démarrage de piétons sur un trottoir roulant devant le bâtiment principal de l'Office en 1924. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Fulgence Bienvenue et les trottoirs sur rails

    Il faut toutefois attendre quelques années encore pour que le dispositif, de simple attraction, commence à être envisagé pour améliorer le transit urbain. En 1925, à l'initiative du conseiller de Paris, Émile Desvaux, la municipalité propose de « décongestionner la circulation parisienne en surface » par l'installation de trottoirs roulants souterrains. Les Grands Boulevards devraient être les premiers équipés d'un système capable de se mouvoir à 15 km/h - deux fois plus vite que la plateforme de 1900.

    Dessin d'un trottoir roulant dans une gare. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Dessin d'un trottoir roulant dans une gare. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    L'Office des inventions hérite alors de l'examen des projets. Il reçoit à cette occasion un renfortrenfort de poids avec Fulgence Bienvenue, inspecteur général - et véritable père - du métro parisien, qui participe aux travaux.

    Premier constat : le trottoir ne pose pas de gros problèmes techniques, les inventeurs s'accordant sur le principe d'une ligne continue de chariots sur rails, avec chevauchement des éléments pour éviter de happer dans les courbes « les talons des chaussures des voyageurs ». Reste une question épineuse : comment amener ces voyageurs à la vitesse requise de 15 km/h ?

    Description et plans des aménagements de trottoirs roulants. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Description et plans des aménagements de trottoirs roulants. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Un démarreur de piétons pour les trottoirs roulants

    C'est là que les inventeurs doivent déployer tout leur savoir-faire. La première solution envisagée consiste à doter les quais de deux bandes parallèles au trottoir roulant, l'une à 5 km/h et l'autre à 10 km/h. Les usagers pourraient ainsi, en faisant un pas de côté, emprunter ces paliers d'accélération - à la montée - ou de décélération - à la descente. Un tel dispositif a déjà la faveur des Américains, encore eux ! Il a en effet été recommandé en 1924 par le cabinet d'ingénieurs Beeler, de New York, pour un projet d'équipement de la ville d'Atlanta.

    Une vue du démarreur et de ses courroies intercalées à vitesse progressive. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    Une vue du démarreur et de ses courroies intercalées à vitesse progressive. © CNRS Photothèque / Fonds historique

    À Meudon, les essais ne sont toutefois pas très concluants : certains cobayes doivent s'y prendre à plusieurs fois avant de franchir les bandes parallèles, tandis que d'autres s'y engagent trop vite et perdent l'équilibre ; surtout, en cas d'affluence, les croisements d'usagers provoquent une véritable foire d'empoigne et une personne sur deux atterrit sur ses genoux ou son arrière-train avant d'être éjectée sur le quai en bout de course !

    D'où l'idée d'une seule rampe d'accès, le « démarreur », « composé de sections à vitesses échelonnées » de 1,5 à 15 km/h : « Les courroies de la section suivante viennent s'intercaler dans les espaces séparant celles de la section précédente, de sorte que le pied est porté automatiquement de l'une sur l'autre ». Un démarreur pour la montée, un autre, inversé, pour la descente, et le tour est joué ! De la centaine de cobayes mobilisés par l'Office, tous « traversent l'appareil sans difficulté ». Mais les savants ne manquent pas d'observer que chaque personne « tend les jarrets, ce qui donne l'impression d'une avance saccadée ».