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    Contrairement à la peinture, la teinture est absorbée par l'étoffe ou le fil. Elle se mélange donc à sa couleur initiale, au lieu de la recouvrir. L'un des plus beaux exemples de teinture est la tapisserie de Bayeux.

    La teinture est différente de la peinture. Ainsi, en peignant plusieurs couches de jaune sur un murmur bleu, le mur deviendra jaune tandis qu'un rideaurideau bleu plongé dans un bain de teinture jaune deviendra vert, par combinaison du bleu et du jaune.

    Tapisserie de Bayeux. © Stuart Rankin, CC by-nc 2.0

    Tapisserie de Bayeux. © Stuart Rankin, CC by-nc 2.0

    La teinture des textiles : laine, coton, soie...

    La teinture domestique actuelle se fait à l'eau chaude ou à l'eau froide. La laine (sauf l'angoraangora, le cachemirecachemire et le mohairmohair), le coton, le linlin, la rayonne et la soie se teignent indifféremment à l'eau chaude ou à l'eau froide.

    Le nylon, les acétates, les polyesters non mélangés et le Lycra n'acceptent que l'eau froide, d'une teinte plus claire que la couleur choisie.

    L'acrylique, la fibre de verre, les mélanges de polyester et tous les synthétiques traités pour être infroissables, indéplissables, ininflammables ou anti-poussière ne se teignent pas du tout, car ils sont imperméables à la teinture domestique. De même, les maillots de bain qui iront à la piscine ne se teignent pas, car aucune teinture non-industrielle ne résiste au chlore.

    Laine jaune. © DR

    Laine jaune. © DR

    Les teintures sont le plus souvent végétales, voici un procédé parmi d'autres : Il faut mordancer la fibre, la préparer à recevoir et conserver la couleur. Les colorants acides peuvent se fixer sur la laine ou la soie sans mordant, directement, leur surface étant basique, elle permet, chimiquement cette fixation directe.

    Les mordants pour teinture

    Plusieurs mordants sont utilisés. En voici trois :

    • AlunAlun : 1 kg de laine, 200 g d'alun. Dissoudre l'alun dans de l'eau bouillante. Y introduire la laine. Porter à ébullition une heure. Laisser refroidir. Egoutter la laine.
    • Sulfate de cuivre : 1 kg de laine, 50 g de sulfate qui fait virer les jaunes en verts ! Dissoudre le sulfate de cuivre dans de l'eau tiède, mettre la laine teinte encore humide. Faire bouillir 1 heure. Rincer et égoutter.
    • Sulfate de ferfer : 1 kg de laine, 50 g de sulfate de fer qui fonce les couleurs ! Procéder de la même manière mais faire bouillir jusqu'à 3 heures.
    Sulfate de cuivre. © DR

    Sulfate de cuivre. © DR

    La teinture à chaud

    Les branches, écorces et les racines doivent tremper avant cuisson. Les fleurs, feuilles et fruits ne nécessitent pas de préparation mais doivent être utilisés très frais (oxydationoxydation).

    La cuisson se fait progressivement : mettre les plantes à froid, puis chauffer à ébullition pendant une heure, filtrer le jus, laisser refroidir. Mettre la laine. Refaire bouillir 2 heures en remuant. Egoutter, laisser refroidir puis rincer à froid (feutrage). Laisser sécher à l'airair.

    La teinture à froid par fermentation

    Elle donne est souvent difficile à maîtriser. Les spécialistes pensent qu'il s'agit de la plus ancienne teinture développée au Moyen-Orient. Les pays du nord ont développé la teinture par ébullition même si certaines sources parlent de fermentationfermentation (lichens à orseille, Gaulois). On obtient de bons résultats avec des racines de garancegarance fermentées dans de l'eau de pluie croupie quatre semaines en plein été à une T° assez chaude. De bons résultats également avec le jus de baies de nerprun et l'écorce d'aulne.

    Bouleau. © DR

    Bouleau. © DR

    Les colorants en teinture

    Les colorants : ce ne sont que quelques exemples, en plus de ceux cités dans le paragraphe des couleurs végétales, il y a beaucoup de colorants pour la laine, dans tous les pays du monde et depuis toujours...

    - Aigremoine : jaune roux, brun foncé ou vert moussemousse
    - Airelles : colorants anthocyanes rose à violet, couleurs vives, résistent peu au soleilsoleil
    - AmandeAmande (la coque charnue et verte) vert tendre. La couleur, pâle, est solidesolide.
    - Anthemis tinctoria, camomille des teinturiers, jaune solide.
    - ArtichautArtichaut, jaune clair sur la laine...
    - Aulne : les feuilles, jaune foin ; les cônescônes, brun et l'écorce, marron ou noir avec du fer
    - Bouleau : les feuilles, jaune poussin ; l'écorce, caramel ou brun.
    - BourdaineBourdaine : brun cannellecannelle, vert, bleu, pruneprune
    - Chêne, écorce connue pour le tanintanin
    - Dahlia, zinniazinnia, cosmoscosmos, tons grenat, rouge, rose, orange

    Dahlia. © DR

    Dahlia. © DR

    - FiguierFiguier, les feuilles, jaune poussin
    - FougèreFougère, vert (la couleur est solide)
    - Genêt, jaune et vert
    - Genévrier, abricotabricot sur la laine
    - Henné utilisé pour le maquillage mais également pour la teinture de la laine.
    - MillepertuisMillepertuis, plante entière teint, jaune ou roux ; les fleurs concentrent plus de colorant, roux orangé. Les fleurs infusées dans un bain alcoolisé, rouge, connu sous le nom de sang de Saint Jean, qui en s'oxydant transmet à la laine une superbe nuance de vert stable et lumineux.
    - OignonOignon, jaune, vert et orange

    Oignon. © DR

    Oignon. © DR

    - PersilPersil, jaune vif très solide.
    - Prunellier, les baies, tons pâles, rose, bleu
    - Ronce, sureau, myrtillemyrtille, les fruits donnent de beaux violets qui virent au bleu ardoiseardoise
    - Santal, boisbois qui donne des couleurs rouge vif proches de la couleur de la braise.
    - Sorgho, tiges, rouge sur laine mais aussi sur le coton
    - Thé : riche en tanin ; rose, beige, caramel clair.

    La Tapisserie de Bayeux

    Broderie dite de la Reine Mathilde : Proposition soumise par la France en 2006 pour inscription au Registre Mémoire du monde de l'Unesco.

    Image de cavalerie. © DR

    Image de cavalerie. © DR

    Remarquez comme les couleurs utilisées avec discernement donnent de la profondeur au tableau, par exemple les différentes couleurs utilisées pour les jambes des chevaux.

    Cet objet est décrit par Shirley Ann Brown, professeur d'histoire de l'art à York University de Toronto, dans les termes suivants :

    « La Tapisserie de Bayeux est une étonnante œuvre d'art. Elle est un témoignage contemporain de la façon dont vivaient les hommes du XIème siècle. Elle est aussi un document historique représentant des évènements qui changèrent le cours de l'histoire pour deux nations. La broderie connue sous le nom de « Tapisserie de Bayeux » est un objet d'enquêtes, de recherches et d'hypothèses depuis 275 ans environ. Elle fut étudiée par des historienshistoriens, des universitaires, des romanciers, des journalistes et par bien d'autres encore. Depuis sa découverte et sa présentation à l'Académie Royale, dans les années 1720, plus de 500 publications lui ont été consacrées, concernant ses différents aspects. » On peut faire ici la même remarque que pour le tableau précédent concernant les couleurs.

    La Tapisserie est un récit historique, mais également une source fondamentale pour la connaissance des modes de vie au Moyen Âge : c'est un témoignage qui utilise des procédés particuliers de narration et a recours au symbolisme, comme de nombreuses créations littéraires ou artistiques de l'époque romane. La Tapisserie a un statut linguistique plus complexe qu'une œuvre littéraire. Il y a en effet deux discours pour la production du message :

    • le discours iconographique ;
    • le discours littéraire des inscriptions.

    Rares en effet sont les œuvres réalisées dans un matériaumatériau aussi fragile qui soient parvenues jusqu'à nous depuis ces hautes époques.

    Après la victoire, Odon reçut en partage le comté de Kent dont les artisans anglo-saxons, imprégnés des influences nordiques, furent employés à la réalisation de l'œuvre. Au-delà de son rôle évident de célébration de la victoire de Guillaume, la Tapisserie a pour fonction d'apporter une justification religieuse de la conquête de l'Angleterre par Guillaume, sans oublier de mettre en valeur le rôle de l'ambitieux évêque de Bayeux.

    Exposée chaque année dans le chœur de la cathédrale de Bayeux, la Tapisserie proposait aux fidèles un exemple moral sur le destin des parjures. Harold est accueilli à sa cour par Guillaume de Normandie, lié au duc par le compagnonnage guerrier lors de l'expédition de Bretagne (1064), et est enfin attaché à sa personne par des serments prêtés sur les reliques de la cathédrale, dont l'authenticité et l'efficacité sont ainsi proclamées. En s'emparant de la couronne d'Angleterre, Harold devient un héros tragique, puni par la puissance divine pour avoir manqué à la foi jurée.

    Que raconte la Tapisserie de Bayeux ?

    La scène centrale de la Tapisserie est bien entendu la bataille d'Hastings. Elle est présentée sous l'aspect d'un ultime Jugement de Dieu en faveur de Guillaume de Normandie, pleinement justifié dans sa prétention à la couronne d'Angleterre.

    Comète de Halley. © DR

    Comète de Halley. © DR

    La tapisserie est aussi une source d'information sur les croyances, les comportements et les événements de cette époque : en effet recherches faites il s'agit bien de la comète de Halleycomète de Halley, visible en Angleterre en avril mai 1066.

    Le caractère tout à fait exceptionnel de cette œuvre textile vient également de ses dimensions: 68,80 mètres de long sur 50 centimètres de haut et de son poids proche de 350 kilogrammeskilogrammes (toile d'origine et de doublage). Ces caractéristiques donnent lieu à une présentation muséographique très spécifique. La Tapisserie de Bayeux n'est pas, à proprement parler, une tapisserie ; en effet, elle relève de la broderie, de huit teintes naturelles de laines sur des pièces de lin bis brodée avec quatre points différents.

    Cette broderie a été effectuée à l'aiguille sur une fine toile de lin assez régulière. Les fibres ont été identifiées grâce à une observation microscope optiquemicroscope optique. Vingt-cinq échantillons de fils ont été analysés: de la laine, du lin, du chanvre et un fil de coton ont été identifiés. Elle est constituée de 9 lés de toile identiques mais de longueurs inégales assemblés par surfilage.

    Motte de Dinan © Wikipedia

    Motte de Dinan © Wikipedia

    Cette œuvre permet aussi d'innombrables études sur le Moyen Âge en particulier en architecture, disposition des défenses lors d'un siège et techniques de guerre, témoin ce tableau.

    Les broderies sont exécutées au point de tige pour dessiner les contours et au point de couchage pour le remplissage des figures (les plus nombreux). Ainsi les points de chaînette et fendu avec des fils de laine colorés et des fils de lin bais sont employés pour donner plus de relief à certaines lettres et certains tracés, tels que flèches, lances, cordages.

    Les couleurs de la Tapisserie de Bayeux

    Les couleurs utilisées n'ont pas de fonction naturaliste. La gamme chromatique de la Tapisserie de Bayeux n'a guère d'équivalent exact dans l'enluminure normande, du moins avant la fin du XIe siècle. En revanche, les associations de marron, de beige, de vert bronzebronze, de bleu noir ou de bleu profond, de rehauts jaunes sont fréquentes dans les manuscrits anglo-saxons. De même, des équivalents assez proches sont discernables dans les peintures murales.

    Les colorants des 160 fils prélevés, d'origine ou de restauration, ont été analysés par chromatographiechromatographie sur couche mince.

    Pour les colorants d'origine, les analyses ont montré la présence de composés utilisés au Moyen Âge, tels que :

    • lutéoline et apigénie présents dans la gaude ;
    • alizarine et purpurine présentes dans la garance ;
    • indigotine du pastel ou de l'indigo ;
    • absence d'emploi de tanins.

    Les colorants synthétiques permettent de bien dissocier les parties originales des parties restaurées. Les fils de restauration ont tous été teintés avec des colorants de synthèse, prouvant que la restauration est postérieure à 1860.