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    Le pari fou de Kennedy

    Le pari fou de Kennedy

    A ce moment pourtant, le monde ne le sait pas encore, mais l'entrée en piste des Etats-Unis dans le domaine spatial, que d'aucuns ont rapidement pris l'habitude de nommer la "Course à l'espace", est aussi une entrée en guerre. Pour mieux le comprendre, faisons un petit retour en arrière...

    En 1961 la crise couve. L'Union Soviétique installe des bases de missiles dans tous les pays sous son emprise, menaçant à tout moment de transformer la guerre froide en conflit atomique. Le Président Kennedy, ainsi que l'ensemble de son état-major, se demandent si Kroutchev ne prépare pas une attaque massive contre les Etats-Unis, avec des rêves d'annexion du monde libre. Dans les hautes sphères, chacun est convaincu qu'une mise à niveau des capacités militaires du pays est nécessaire afin de pouvoir riposter, dans les plus brefs délais possibles, à une telle attaque. Mais ce n'était pas si simple.

    Combler un tel retard exigera un effort considérable, tandis que les fonds engagés seront sans commune mesure avec tout ce qui a été entrepris jusqu'à cette date par la nation américaine. Kennedy en est conscient, mais comment présenter le projet ? Le Congrès américain aurait pu éventuellement accepter un tel projet si Kennedy pouvait réunir suffisamment de preuves tangibles sur les intentions des Russes, mais sa révélation au grand jour par les médias risquait de provoquer une réaction violente de la part de l'URSS, voire d'accélérer l'engagement dans un troisième conflit mondial avant que les Américains n'y soient préparés.

    Le 25 mai 1961, Kennedy déclara devant le Congrès que les Etats-Unis enverraient un homme sur la Lune avant la fin de la décennie, et le ramèneraient en toute sécurité. Les membres du Congrès, qui ne s'attendaient absolument pas à une telle déclaration, applaudirent tout d'abord à cette annonce qui revigorait le patriotisme de tout un peuple, puis réalisèrent l'ampleur de l'effort à accomplir.

    Le Président Kennedy durant sa déclaration historique devant le Congrès. Crédit Nasa

    Le Président Kennedy durant sa déclaration historique devant le Congrès. Crédit Nasa

    Contexte d'époque

    Imaginons-nous un bref instant en 1961. La double origine des ingénieurs de la Nasa - civils et militaires - entraîne encore une certaine confusion. Les premiers utilisent encore couramment la règle à calcul, tandis que les seconds ont déjà eu la chance de travailler sur un des premiers ordinateursordinateurs, l'Univac remontant à 1951, et commencent à peine à découvrir l'IBMIBM 1401, premier ordinateur transistorisé, ainsi que le PDP-1 qui commence à apparaître dans les universités les mieux dotées. La plupart des missiles - et des fuséesfusées qui en sont dérivées - explosent encore sur leur rampe de lancement ou en vol, alors que les Soviétiques lancent des satellites depuis quatre ans et ont placé deux hommes en orbite. L'avance technologique paraît considérable, voire irrécupérable pour les plus pessimistes.

    La règle à calcul de Von Braun. Elle a placé Glenn en orbite... Crédit Nasa.

    La règle à calcul de Von Braun. Elle a placé Glenn en orbite... Crédit Nasa.
    ...Et celle de Korolev, qui a fait de Gagarine le premier cosmonaute. Crédit Nasa

    ...Et celle de Korolev, qui a fait de Gagarine le premier cosmonaute. Crédit Nasa

    Le pari fou de Kennedy lui permettra d'obtenir les fonds nécessaires à la constructionconstruction des fusées nécessaires à la défense du territoire américain. Car si le but officiel de cette course à l'espace était de déposer un homme à la surface de notre satellite et de le ramener avant les Russes, l'objectif réel était bien de mettre au point et de construire les missiles indispensables à ce moyen de défense. On notera d'ailleurs que le seul lanceur à n'avoir connu aucun développement militaire ultérieur fut la fusée lunaire SaturneSaturne...

    Malheureusement, Kennedy ne connaîtra jamais la réalisation de son projet. Il mourra assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas. Aujourd'hui encore personne ne sait qui a commandité ce meurtre, et parmi les centaines d'hypothèses émises le lien avec les missiles n'est pas à exclure.