au sommaire


    John Glenn

    John Glenn

    Le grand saut fut finalement programmé pour le 20 décembre 1961. Aujourd'hui, on se rend compte que cette décision était un peu précipitée. Mais les Soviétiques ayant ouvert la voie en 1961 avec deux vols habitésvols habités, il était hors de question d'envoyer le premier Américain en orbite en 1962. Les choses ne se passèrent pas comme prévu. On vit s'accumuler les pannes, les incidents, les problèmes techniques, les retards, les mauvaises conditions météométéo. Durant soixante-deux jours et dix reports...

    John Glenn pénétra pour de bon dans sa cabine Mercury baptisée Friendship 7 le 20 février 1962. A 2 h 20, il fut réveillé dans le logement qu'il partageait avec Scott Carpenter, son éventuelle doublure. Tous deux suivirent le même rituel comprenant divers examens médicaux portant sur la vue, l'ouïe, le cœur, les poumonspoumons, ainsi que l'absence de toute infection. Divers enregistreurs furent placés sur le corps de Glenn afin de recueillir divers paramètres et il revêtit - une fois de plus - sa combinaison de vol.

    John Glenn pénètre dans sa (minuscule) cabine. Crédit Nasa

    John Glenn pénètre dans sa (minuscule) cabine. Crédit Nasa

    Dehors, le ciel était couvert. Le van le conduisit vers la fuséefusée Atlas éclairée par 48 projecteursprojecteurs. Il franchit à pied les quelques dizaines de mètres le séparant encore de la fusée tout en saluant les 200 techniciens qui lui avaient fait une haiehaie d'honneur, lorsque tomba des haut-parleurs l'annonce de la naissance d'un bébé chez l'un d'eux. Cela fut considéré comme un excellent présage.

    L'ascenseurascenseur grimpa les seize étages de la tour de lancement en quelques secondes, puis les techniciens aidèrent Glenn à pénétrer, les jambes en avant, dans l'habitacle exigu de la cabine. Le compte à rebours fut encore interrompu à plusieurs reprises. A 8 heures, le soleil perça pour la première fois à travers les nuagesnuages.

    A la Maison Blanche, le Président Kennedy suivait les préparatifs du coin de l'œilœil sur une TV portative tout en tenant une réunion avec les leaders politiques. Lorsque Cap Canaveral annonça que les conditions météo étaient enfin favorables à un lancement, il entra en communication avec Mercury Control et tous les dirigeants politiques s'agglutinèrent autour du téléviseur.

    Toute activité cessa brusquement dans le reste des Etats-Unis, les magasins se vidèrent exceptés les cafés où était installé un écran de TV. Trains et métros se mirent à rouler sans voyageurs...

    Mise à feu !

    A 9h47, le compte à rebours atteignit zéro. Aussitôt, une énorme flamme jaune-orangée surgit de la base de la fusée qui parut un instant s'ébrouer. Puis lentement, comme à regret, le monstre de 125 tonnes se mit à grimper dans le ciel de Cap Canaveral.

    Envol de l'Atlas de John Glenn. Crédit Nasa

    Envol de l'Atlas de John Glenn. Crédit Nasa

    A bord, John GlennJohn Glenn ressentit des vibrations plus importantes que ce à quoi il s'attendait. Il annonça d'une voix chevrotante que l'horloge avait bien démarré. Au bout de quelques minutes, le premier étage de l'Atlas se sépara et il fut propulsé sur son orbite. Avec lui, ce sont des millions d'Américains qui tournaient autour de la Terre, ravis.

    Le vol de trois orbites fut techniquement parfait. Seuls deux petits incidents vinrent en interrompre la monotonie. Au terme de la première révolution, Glenn signala que le neznez de son vaisseau avait tendance à s'incliner légèrement vers la droite lorsqu'il était en pilotage automatique. Le clapet d'un petit moteur d'attitude était resté ouvert, laissant échapper du gaz. Il décida de passer le reste du temps en pilotage manuel afin d'économiser du carburant. Puis au sol, un voyant signala un problème de fixation au niveau du bouclier thermique. Il fut alors décidé de ne pas larguer le groupe de trois rétrofusées destinées à décélérer avant la rentrée comme prévu, estimant que les sangles qui les maintenaient en place suffiraient aussi à retenir le bouclier jusqu'à ce que la pressionpression de l'atmosphèreatmosphère devienne assez forte pour le maintenir. Plus tard, on constatera que le problème n'avait existé que dans l'imagination d'un capteurcapteur défectueux...

    A 14 h 43, après une rentrée plus spectaculaire et chaotique que prévu suite à la désintégration du groupe de rétrofusées, Glenn amerrit dans l'océan Atlantique dans le grésillement de son bouclier incandescentincandescent, qui avait parfaitement rempli son rôle. Le destroyer Noa, chargé de la récupération, ne se trouvait qu'à 11 kilomètres, et 20 minutes plus tard le premier Américain en orbite se trouvait sur le pont du bâtiment.

    Il déclarera plus tard que le moment le plus pénible de tout le vol avait été... l'ouverture de l'écoutille après l'amerrissage. L'arrachement de celle-ci par un système de boulons explosifs l'avait surpris par sa brutalité et lui avait provoqué quelques égratignures superficielles au visage. Mais Glenn n'avait perdu ni sa bonne humeur ni son sourire.

    Plus tard, depuis la Maison Blanche, le Président Kennedy s'adressa à la nation : « Je me fais le porteporte-parole du peuple américain en félicitant et en remerciant le Colonel Glenn de son extraordinaire exploit. Je sais que cette fierté est partagée par Mme Glenn et ses deux enfants. Toute notre gratitude va également à ceux qui ont travaillé sans répit à Cap Canaveral. Ils ont dû faire face à bien des déceptions et à bien des délais [...] mais ils ont fait preuve de beaucoup de sang-froid. Nous voyons à présent que leurs efforts ont été récompensés. La course à l'espace ne fait que commencer. Nous avons pris le départ assez tard, mais à présent tous les espoirs sont permis. »

    La nation américaine se montra à la fois soulagée et fière. Elle compara son nouveau héros à Christophe Colomb et à Charles LindberghCharles Lindbergh. John Glenn fut invité et couvert d'honneurs dans tous les Etats américains, et fêté comme rarement un homme l'avait jamais été.

    Pour son exploit, Glenn reçut une prime de 245 dollars de la part du Corps des Marines. La NasaNasa ne lui accorda aucun supplément. Sa solde mensuelle passa à 1.149 dollars, ce qui lui fit croire un instant que cette augmentation était due à son vol spatial. En réalité il n'en était rien, ses 18 ans de service venaient simplement de lui faire effectuer un (petit) saut barémique...

    La Nasa était née. L'Amérique était désormais sur les rails du CosmosCosmos. L'Histoire pouvait commencer.