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    Le développement de la paléontologie

    Le développement de la paléontologie

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    La PaléontologiePaléontologie est encore étroitement liée à d'autres disciplines, en particulier à l'AnatomieAnatomie comparée. On peut dire qu'elle est née autant, et peut-être même davantage, de cette discipline que de la GéologieGéologie. L'un de ses fondateurs, en effet, le grand Cuvier (1769-1832), a été aussi le fondateur de l'Anatomie comparée, et il connaissait fort peu la Géologie. Il ne se privait du reste pas de manifester sa supériorité paléontologique sur son collègue, le titulaire de la chaire de Géologie du Muséum, Faujas de Saint Fond (1741-1819), qu'il s'amusait à surnommer Faujas Sans Fond, pour souligner son manque de compétence dans le domaine de l'étude des fossilesfossiles. Il est à peine besoin de faire remarquer que les géologuesgéologues ont apporté relativement peu de choses au développement de la Paléontologie. Si l'on cite les autres Fondateurs de cette discipline, Lamarck pour la Paléontologie des InvertébrésInvertébrés, Adolphe Brongniart (1801-1876) pour celle des Végétaux et Edouard Lartet (1801-1871) pour la Paléontologie humaine, il est clair que leur première compétence se manifeste d'abord en Zoologie ou en BotaniqueBotanique, et non en Géologie. Il en est de même pour Alcide d'Orbigny, qui est d'abord un invertébriste. Celui que l'on a pu appeler le "Cuvier anglais" pour ses performances en Paléontologie, Richard Owen (1804-1892), était un spécialiste des VertébrésVertébrés.

    Beaucoup d'autres disciplines scientifiques ont, par la suite, contribué au développement de la Paléontologie. On peut citer, bien entendu, à peu près tous les domaines de la Biologie, puisqu'il s'agit d'étudier, en fait, les restes d'êtres qui furent vivants. Par le fait que l'histoire de la Paléontologie fut étroitement liée à celle de l'Evolution - qui, elle, est une théorie, mais non une "discipline" scientifique - des domaines comme celui de l'Embryologie, ou de la Tératologie, ont été susceptibles de fournir des éléments importants à la compréhension des restes fossiles, et à leur intégration dans l'histoire de la Vie sur la Terre.

    La Chimie organique a aussi apporté ses lumières dans l'identification des restes fossiles. Même les Mathématiques ont été sollicitées - et il ne faut pas oublier que la méthode statistique dans l'exploitation du nombre de fossiles récoltés dans telle partie du monde, ou dans telle époque de son histoire, a été utilisée avec succès. Il n'en reste pas moins cependant que la Paléontologie n'est pas une science exacte. Il y a trop de lacunes dans la série des fossiles, et trop d'incertitudes, même au niveau de la reconstruction des êtres eux-mêmes, pour qu'il soit possible de fournir des résultats certains. Un grand nombre de fossiles se présentent en effet sous la forme de simples fragments.

    Les attribuer à telle ou telle espèceespèce, ou simplement en faire une espèce particulière, est déjà l'affaire d'une interprétation, où il entre une grande part de subjectivité. Établir à partir de là des parentés, et, à plus forte raison, des descendances certaines, est encore plus aléatoire. On le fait cependant, bien entendu, mais le savant sait que ce ne sont là souvent que des hypothèses précaires. Des hypothèses de travail, nécessaires pour avancer dans la recherche, mais hypothèses quand même, très souvent remises en question au fut et à mesure de nouvelles découvertes.

    Le travail fourni par les paléontologistes est un travail fascinant, qui captive toujours l'attention des foules. Et il reste aussi une certitude d'ensemble, dans l'incertitude du détail : c'est qu'il a existé un monde ancien, peuplé d'animaux aujourd'hui disparus. Nous n'en aurions eu la moindre idée si la Paléontologie n'avait pas été là pour nous fournir les documents, les étudier, les trier et les ordonner, et nous mettre entre les mains des témoins irrécusables d'une histoire de la vie qui se perd dans la nuit des temps.

    <em>Ammonite</em>

    Ammonite

    La reconstruction du passé grâce aux fossiles n'est pas en effet totalement arbitraire. Il est évident que les restes découverts - par exemple une mâchoire, avec des dents, comme celle découverte en 1907 à Mauer, non loin de Heidelberg, sur le Neckar, en Allemagne - ont dû appartenir à des êtres qui furent autrefois vivants. Dans le cas ici envisagé, ça ne pouvait être qu'un vertébré, et même un mammifèremammifère d'aspect humain. On ne peut, en effet, placer une mâchoire à caractère humain sur une tête de chienchien ou de ruminant, ni à plus forte raison sur celle d'un poissonpoisson ou celle d'un mollusquemollusque. Il est évident aussi que cet être vivait dans un environnement qui lui permettait de vivre. Si c'était un carnivorecarnivore - et, depuis Cuvier, on sait que la "corrélation" des organes est une véritable loi de l'organisation des êtres vivants - il fallait bien qu'il soit entouré d'herbivoresherbivores, et donc il fallait un climatclimat permettant le développement de végétaux appropriés. La BiogéographieBiogéographie permet ainsi de reconstruire avec vraisemblance le passé de la vie sous ses multiples aspects et contraintes d'ensemble. S'il y entre des hypothèses, on voit qu'elles permettent de reconstruire, à partir des connaissances actuelles, et en les appliquant aux documents fossiles, un passé de la Terre et de la Vie que l'on peut considérer comme vraisemblable, du moins dans ses grandes lignes, si ce n'est dans tous ses détails.

    Cuvier, de Blainville, Lamarck : nous avons nommé les trois grands maîtres de la Paléontologie du début du dix-neuvième siècle. Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la science, mais beaucoup avec une certaine idéologie - pernicieuse, comme elles le sont toutes - on a eu tendance à occulter le rôle de l'un ou de l'autre de ces savants dans la fondation de la nouvelle discipline. On a même parfois tout reporté sur le nom de Cuvier, en faisant le silence sur l'apport des autres, et en particulier sur celui de Lamarck. L'histoire des sciences se doit de rétablir les faits.

    Ce n'est pas diminuer le mérite de Cuvier que de dire qu'il fut le fondateur, non pas de la Paléontologie tout entière, mais de la Paléontologie des Vertébrés, ni de préciser parallèlement que Lamarck le fut de la Paléontologie des Invertébrés. On retrouve le nom de ce dernier à l'origine de cette distinction entre ces deux grands groupes d'animaux. C'est en 1797 que Lamarck "inventa" le nom d'Invertébrés, et ses collègues s'empressèrent d'utiliser ce terme. Tous ces vocables que nous venons de citer : Paléontologie, Fossiles, Vertébrés, Invertébrés, étaient donc neufs ou rajeunis à l'époque, et leur adoption montre qu'on en avait besoin pour avancer dans la science des êtres du présent et du passé, qui se livraient de plus en plus nombreux aux investigations des naturalistes.

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    Il ne suffit pas en effet de trouver des "objets" pour qu'une discipline nouvelle voie le jour. Il faut en faire des "faits", c'est-à-dire les interpréter dans une "vision du monde" originale et forte, qui permette en quelque sorte de "créer" un monde nouveau à partir de leur connaissance. Ce fut le cas avec Cuvier et Lamarck, et c'est la raison pour laquelle on doit placer la naissance de la Paléontologie à ce moment. Grâce à ces deux grands paléontologistes, les fossiles ne sont plus des "enfants perdus" de la nature, ou des "abandonnés" de l'histoire de la vie. Ils sont reconnus comme faisant partie de la famille des vivants, ils ressuscitent ; on a besoin d'eux, on les recherche avec intérêt et même avec passion. La "trompette du jugement dernier" - comme s'exprimait Cuvier, le fidèle lecteur de la Bible - qui doit, selon le livre de l'Apocalypse, réveiller les morts à la fin des temps, est reprise ici par le paléontologuepaléontologue qui rappelle à la vie les êtres du passé. Cuvier, qui a souvent le sens dramatique des formules frappantes, s'est enthousiasmé à la pensée qu'il est l'un des premiers savants des temps modernes à sonner le réveil des êtres disparus, et à tenir le rôle attribué par Jean l'Evangéliste à l'angeange de la résurrection des morts.

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